Pour s’intégrer, les réfugiés apprennent à coder

Published 12/07/2016 in Futurs

Eyas Taha, Nabard Jawad, le président d’Integrify, Daniel Rahman, et Sharmake Abukar Amin, à Helsinki le 2 mai.

Informatique

En Finlande, des personnes ayant fui leur pays se forment au code pour trouver un métier, et s’intégrer plus facilement dans la société.

Derrière les portes d’Integrify, une toute nouvelle école d’informatique située à Helsinki, en Finlande, des élèves se forment au code. Langage HTML, CSS3 et Javascript n’auront bientôt plus de secret pour eux. Il y a quelques mois de cela, leur vie était pourtant bien différente. Nizar, Sharmake, Eyas, Nabard et Reza viennent d’Irak, d’Iran, de Somalie, ou encore de Syrie. Ils étaient architecte, journaliste ou assistant technique dans une start-up. Métier, pays, famille, ces cinq hommes ont tout laissé derrière eux. Ils sont aujourd’hui réfugiés.

C’est en janvier que Daniel Rahman a créé le programme Integrify, avec l’objectif de les aider à s’intégrer au plus vite dans la société finlandaise. Il explique à Libération qu’il voulait «faire quelque chose de positif», et offrir «le meilleur futur possible pour [ces hommes]».

Une pénurie de codeurs

Très vite, l’idée des cours de code s’impose à lui comme une «évidence». D’abord, parce que cette formation, comme le métier auquel elle mène, ne nécessite que de savoir parler anglais. La plupart des entreprises finlandaises spécialisées dans le développement privilégient en effet la langue de Shakespeare. Les réfugiés, eux, la maîtrisent souvent déjà, ou, à défaut, l’apprennent relativement vite. Daniel Rahman, qui connaît bien le milieu, sait aussi que le pays doit faire face à une «pénurie de codeurs». Il y aurait actuellement, selon lui, plus de 5 000 postes vacants dans le domaine. «Cela représente un vrai fossé entre l’offre et la demande, on a vraiment besoin de personnes qualifiées dans le pays», explique le fondateur d’Integrify. Ce dernier estime enfin que maîtriser le langage HTML, c’est se donner la chance d’accéder à «la plus méritocratique des professions». «Quand vous savez coder, constate-t-il, personne ne va jamais vous demander d’où vous venez, quel est votre passé, ou des détails sur votre éducation. La seule chose qui les intéresse, ce sont vos compétences, ce que vous savez faire.»

Avec ces arguments en poche, Daniel Rahman est venu présenter son programme dans les centres de réfugiés du pays. Certains y ont vu une belle opportunité, comme Sharmake, un journaliste originaire de Somalie. Contraint de quitter son pays dans l’urgence, après avoir été la cible de trois tentatives d’assassinat, il espère retrouver un emploi au plus vite. Cela lui permettra notamment de faire venir dans le nord de l’Europe sa femme et ses trois enfants, restés en Afrique. Le jeune homme (26 ans) raconte que depuis qu’il a débuté sa formation chez Integrify, il se sent «plus optimiste». Il sait que Daniel Rahman et son équipe ne se contenteront pas de lui apprendre l’informatique. «On s’occupe aussi d’aider les réfugiés à trouver un emploi ensuite, explique ainsi le fondateur. On est familiers avec ce milieu-là, et on sait [quels secteurs] ont besoin de [main-d’œuvre].»

Des formations aux Etats-Unis et en Allemagne

Pour l’heure, l’école, qui est en phase de test, n’accueille que cinq réfugiés. Dès lors que la version pilote se sera avérée concluante, c’est «une centaine» de personnes qui devraient rejoindre ses bancs, confie le directeur. Un pari ambitieux, mais pas démesuré : d’autres programmes de ce type ont déjà fait leurs preuves, ailleurs dans le monde, comme en Allemagne, ou aux Etats-Unis. L’un d’entre eux, qui a établi ses quartiers dans l’Utah, séduit chaque semaine une cinquantaine de réfugiés. Tous s’engagent pour une formation accélérée de cinq mois, dispensée par des professionnels du secteur. Alors qu’au départ, le programme était réservé aux Bhoutanais, le succès a fait que Soudanais, Birmans, Congolais et Burundais peuvent désormais s’inscrire. Il y aurait, aux Etats-Unis, près de 600 000 postes vacants pour les apprentis codeurs, pour seulement 60 000 nouveaux étudiants diplômés chaque année, d’après l’organisation. De quoi espérer un avenir un peu plus serein…

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