France Info, à ne pas confondre avec France Info

Published 11/07/2016 in Futurs

La présidente de France Télévisions Delphine Ernotte, le 29 juin 2016 à Paris

télévision

Le nom de la chaîne d’information continue du service public a été annoncé ce lundi. Le peu de moyens et l’homonymie avec la radio est redoutée par les salariés.

Si l’on mesure la puissance d’une chaîne d’information en continu à son nombre de journalistes reporters d’images, celle de l’audiovisuel public, qui émettra à partir du 1er septembre sur le canal 27 de la TNT, n’a pas trop de quoi inquiéter les leaders du marché, BFMTV et i-Télé. Portée par France Télévisions et associant Radio France, la future «France Info», dont le nom a été confirmé lundi par ses promoteurs, n’en comptera que deux, sur un total d’environ 200 salariés dédiés (176 personnes à France Télévisions, 28 à Radio France). Le moins que l’on puisse dire est que cela fait peu de gens pour filmer l’actualité – une fonction pourtant utile dans une télévision vouée à l’information. Pas de panique, répond-on à France Télés : pour fabriquer des sujets, la dite chaîne, qui implique également France 24 et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), piochera dans les dizaines heures d’images tournées chaque jour par les différentes rédactions de France Télévisions (France 2, France 3, l’outre-mer).

«Renoncer à la boucle obsessionnelle»

Surtout, selon ses promoteurs, «France Info» n’a pas été conçue pour être dans l’hyper-réactivité, la marque de fabrique de BFMTV, l’antimodèle implicite. «On préfère rater un scoop plutôt que de donner une mauvaise information», assume Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions. Pour le directeur de l’information du groupe, Michel Field, la nouvelle chaîne doit «renoncer à la boucle obsessionnelle qui brasse souvent plus de vide que d’information». L’actualité chaude sera scandée toutes les dix minutes par des «rappels de titres» de quatre-vingt-dix secondes filmés dans ses locaux par la radio France Info (qui continuera d’exister à part entière et diffusera aussi ces flashs sur son antenne). A l’heure et à la demi-heure, des journaux télévisés seront produits au sein de France Télés. Le reste de l’antenne sera occupé par ce que ses concepteurs appellent des «modules», relevant davantage du décryptage et de l’analyse que du breaking news. Une trentaine a été imaginée. Parmi eux, on trouve des formats très classiques, comme l’interview politique diffusée entre 8h30 et 9 heures et le magazine de débat sur l’actualité les Informés (l’émission existe déjà sur la radio France Info) entre 20 heures et 21 heures, mais aussi un «journal du monde» de trois minutes assuré par France 24, une rubrique nommée «la photo du jour», un contenu de vérification des faits ou des sujets tout-image d’histoire réalisés par l’INA.

A écouter les patrons du projet, ces «modules» sont la vraie raison d’être de la chaîne. Une grande partie des effectifs sera d’ailleurs affectée à leur fabrication. «Ce sera un formidable atelier d’écriture», se réjouit à l’avance Field. Ces petits formats, souvent infographiques, parfois sans son mais avec du texte incrusté, sont moins pensés pour le langage de la télévision que pour celui des réseaux sociaux, où ils seront disséminés de façon autonome. «Nous devons répondre à un changement culturel : les gens consomment de l’information en mobilité, justifie le directeur délégué à l’information de France Télés, Germain Dagognet. Cela suppose une autre narration de l’actualité.» Dans l’esprit d’Ernotte, qui avait d’abord envisagé de lancer cette chaîne sans présence sur la TNT, c’est encore plus clair. Le premier enjeu est de construire «l’offre numérique de référence», «mobile first», et ensuite – seulement ensuite – de faire «des bonnes audiences» à la télévision. A cet égard, «on ne s’est pas donné d’objectifs», a même reconnu, en toute candeur, la patronne de France Télévisions. La phrase ne devrait guère amuser les concurrents privés, BFMTV, i-Télé et LCI, dont l’audience risque d’être grignotée par cette nouvelle chaîne sans publicité, qui entraînera un surcoût de 15 millions d’euros pour le groupe et de 3,5 millions d’euros pour Radio France.

«Un gros travail de coordination»

Du point de vue de l’organisation, la créature, bâtie sur des partenariats entre des entreprises et des entités diverses, s’annonce affreusement complexe, voire baroque. La gouvernance sera partagée entre Germain Dagognet et le directeur de la radio France Info, Laurent Guimier, qui devront donner de la cohérence à ce grand Mikado éditorial. Mieux vaut que leur collaboration ne tourne pas à la guerre des chefs… «Ce sera un gros travail de coordination. Sans doute y aura-t-il une V1, puis une V2, puis une V3. Nous progresserons en chemin», a admis Dagognet lundi. Pour ne rien simplifier, les rédactions numériques de France Télévisions (FranceTVInfo) et de la radio France Info, continueront d’exister séparément. Mais elles œuvreront pour un seul et même site, sous le nom «France Info», au risque de doublonner, de laisser passer des événements ou pire, de se contredire.

Des deux côtés, cette fusion, qui n’en est pas vraiment une, suscite inquiétude et scepticisme sur le fond comme sur la forme. Dans un énième communiqué, toujours aussi dépité, la société des journalistes de France TV Info s’émouvait lundi de ne «quasiment pas [avoir] été consultée lors de la construction du projet, pourtant officiellement qualifié d'”offre numérique” par la direction». Apprendre que l’identité sonore de leur nouveau média a été réalisée par Jean-Michel Jarre n’a pas suffi à les rassurer.

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