«Qu’aurions-nous fait sans Lula ?»

Published 12/07/2016 in Planète

A Guarulhos, dans la banlieue de Sao Paul.

Reportage

Dans la banlieue de São Paulo, la cote de l’ex-président oscille, entre affaire Petrobras et défense des pauvres.

Ecœurée, Maria de Fátima ne regarde plus le JT. «On ne parle plus que de corruption ! Tous nos politiciens sont impliqués. Même Lula…» Une allusion à l’affaire des détournements d’argent autour du géant pétrolier Petrobras, au profit des principaux partis politiques, le Parti des travailleurs (PT) en tête. «Quelle déception !» lâche encore cette quinquagénaire enjouée. Depuis le début, Maria de Fátima votait pour le PT de Lula. Mais lors de la présidentielle de 2014, remportée de justesse par la candidate du parti, Dilma Rousseff, elle a préféré s’abstenir. Base arrière traditionnelle du PT, Guarulhos, hideuse ville de 1,3 million d’habitants dans la banlieue de São Paulo, a infligé une humiliante défaite à «Dilma», désormais passible de destitution, après un coup de force de la droite. Tout un symbole.

Au Brésil, la corruption passe inaperçue pour peu que la conjoncture économique soit favorable. Or, le pays, gouverné par le PT lors des treize dernières années, est en récession. Pour la première fois, Lula lui-même n’arrive plus à détacher son image de celle de son parti. Selon une enquête Ipsos menée en février, 67 % des sondés doutent désormais de son intégrité. L’ex-président (2003-2010), qui nie toute irrégularité, est accusé d’avoir reçu des avantages en nature de prestataires de Petrobras. Pire, il aurait «pris part» à «l’organisation criminelle» partie à l’assaut du groupe pétrolier, accuse le procureur général. Malgré tout, Lula reste, pour beaucoup, le meilleur président qu’ait jamais eu le Brésil.

Mais s’il est en tête des sondages pour la présidentielle de 2018, si les autres présidentiables sont également malmenés par le discrédit qui frappe la classe politique, la partie n’est pas gagnée. Si l’économie se redresse d’ici là, c’est la droite, désormais au pouvoir après en avoir délogé le PT, qui devrait en rafler les dividendes électoraux.

«S’il se présente à nouveau, Lula ne sera pas réélu, reprend Maria de Fátima. Son prestige est entamé. Ses politiques sociales ? Il aurait pu en faire davantage.» Surveillante dans un collège, Maria s’est vu refuser la «Bolsa família», une aide en argent versée mensuellement à 13 millions de foyers démunis. «Il paraît que je ne suis pas assez pauvre !» Pourtant, avec ses deux petites-filles à charge, et un salaire d’à peine 300 euros, la brave femme n’arrive pas à joindre les deux bouts.

Place Getúlio-Vargas, Fábio, SDF, crie à un «putsch de la droite», dont le but serait de démanteler les politiques sociales. «A commencer par les quotas dans les universités pour nous, les Noirs, poursuit Fábio. Lula a peut-être volé. Comme tous les autres, en politique. Mais lui, au moins, se soucie du Brésil d’en bas.»

 

Joana, elle, reçoit la fameuse «bourse», 33 euros par mois. «Ça aide énormément, témoigne cette mère de famille. Nous, les plus pauvres, qu’aurions-nous fait sans Lula ?» Joana ne veut pas croire aux accusations portées contre lui : «On cherche à l’empêcher de se porter candidat à nouveau.» Sa fille Jessica, elle, défend la destitution de Dilma Rousseff, pour qui elle a pourtant voté. «Je suis au chômage depuis deux ans», justifie-t-il. 

 

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