Les emojis femmes sont des princesses qui ne travaillent pas

Published 21/07/2016 in Futurs

Les emojis femmes sont des princesses qui ne travaillent pas

Sexisme

Depuis leur création en 1999, 1791 emojis sont nés. Les stéréotypes genrés qu’ils véhiculent, eux, n’ont pas beaucoup évolué.

Chaque jour, plus de six milliards d’emojis se baladent sur nos smartphones et ordinateurs pour rendre nos mails et sms moins banals, plus expressifs ou plus rigolos. Chenilles, langoustes, patates douces et autres dessins improbables squattent nos écrans, aux côtés de quelques humains. Ces derniers se sont diversifiés au fil des années, avec l’apparition de «smileys» représentant des couples gays, et d’autres à la peau noire ou métisse. Mais il est une catégorie qui reste immuable, c’est celle des femmes. Dans le grand catalogue des emojis, elles aiment toujours le rose, sont tour à tour princesses, coquettes chez le coiffeur ou la manucure, mariées ou femmes enceintes. Les travailleurs sont tous des hommes, et il n’existe que deux représentantes de la gent féminine qui fassent du sport (l’une joue au basket, l’autre danse du flamenco).

Parce qu’elles se sentaient «sous-réprésentées», trois femmes ont décidé de lancer la semaine dernière une application, She-Moji. On y trouve pas moins de 400 emojis féminins, parmi lesquels des policières, des chefs étoilées, des diplômées, des astronautes, des doctoresses ou même des ninjas. Karina de Alwis, Noémie Le Coz et Nirmala Shome ont entre 28 et 31 ans. Elles sont réalisatrice, directrice artistique et chef de projet. Des «professionnelles de l’industrie du digital et du design», qui ont «travaillé les nuits et les week-ends en plus de [leurs] emplois à plein temps» pour venir à bout de ce projet. L’idée, plus que d’en faire une activité lucrative, était simplement de «faire quelque chose que les gens puissent apprécier» et de «défendre une cause» qui leur tenait à cœur, nous raconte Karina de Alwis. La co-créatrice de l’application se souvient qu’il lui aura fallu la campagne de publicité d’un vendeur de serviettes hygiéniques pour se rendre compte à quel point les emojis étaient sexistes. C’est Always qui a réalisé ces vidéos, dans lesquelles on voit des jeunes filles regretter de ne pas voir de femmes au travail ou qui fassent du sport. Un hashtag, #LikeAGirl, a été lancé par la marque. Chaque jour, il est twitté des centaines de fois, devenant ainsi un canal privilégié du «Girl Power».

L’initiative a fait écho aux convictions de Karina de Alwis. Avec ses amies, c’est à ce moment-là qu’elle s’est décidée à créer ses propres petits smileys. «Ça peut sembler être un détail insignifiant, explique-t-elle, mais l’usage des emojis dans nos communications de tous les jours s’est accru de manière exponentielle, jusqu’à devenir une sorte de lexique universel. En limitant le catalogue d’emojis, nous acceptons inconsciemment des rôles genrés archaïques.» Pour elle, ces emojis ne sont pas seulement destinés aux femmes. Les hommes aussi «doivent changer leur attitude concernant ces stéréotypes bien ancrés». D’ailleurs, parmi ceux qui ont téléchargé et utilisé régulièrement l’application depuis son lancement la semaine dernière, Karina de Alwis assure qu’il y a «beaucoup d’hommes». «Ce qu’on est très contentes de voir !», ajoute la réalisatrice.

Google veut des chimistes et des développeuses

Si elle concède qu’il ne s’agit que «d’une petite étape», elle espère que She-Moji pourra «booster le mouvement» et contribuer à rendre les emojis plus égalitaires. Dans ce combat, elle dispose d’un allié de taille : Google, qui, le 14 juillet, a publié sur son blog une tribune réclamant «plus de femmes actives» dans nos smartphones. En mai, la firme californienne a proposé une série d’emojis représentant des femmes actives au comité technique d’Unicode, une organisation privée chargée de définir les standards informatiques dans toutes les langues. Chaque année, celle-ci décide quels nouveaux smileys pourront intégrer à leur plateforme Apple, Google, Facebook et autres exploitants. Pour l’heure, les chimistes, développeuses et nageuses imaginées par Google n’ont toujours pas vu le jour. Alors, en attendant, She-Moji se décarcasse pour diffuser ses illustrations de femmes «qui correspondent plus à ce que les filles font, disent ou deviennent». Plus celles-ci séduiront de monde, plus les fondatrices pourront reverser d’argent à la fondation Malala, à laquelle 50% des profits sont destinés.

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