Le pianiste turc Fazil Say acquitté

Published 08/09/2016 in Musique

Fazil Say le 9 février 2010 à Paris.

Justice

Athée, il avait critiqué certaines «valeurs religieuses» dans des tweets en 2012.

Un tribunal turc a acquitté mercredi le pianiste Fazil Say, accusé d’insulte à l’encontre des valeurs religieuses, mettant ainsi fin à une saga judiciaire de plusieurs années qui a soulevé des inquiétudes pour la libre expression dans le pays.

Fazil Say, 46 ans, instrumentiste ayant accompagné des phalanges de poids mais aussi compositeur volontiers jazz à qui l’on doit notamment une souriante Marche turque déglinguée mais encore une poignée d’œuvres orchestrales, avait été condamné en 2013 à dix mois de prison avec sursis pour une série de commentaires sur Twitter postés en avril 2012.

Athée revendiqué et critique du gouvernement islamo-conservateur au pouvoir depuis quatorze ans dans son pays, Fazil Say avait mis en doute l’image répandue du paradis chez les musulmans croyants. «Vous dites que des flots de vin coulent au paradis. Est-ce que le paradis est une taverne ?» ou «vous dites qu’il y a au paradis deux houris [femmes vierges] pour chaque croyant. Est-ce que le paradis est un bordel ?», avait-il écrit en citant des vers d’Omar Khayyam, grand poète persan du XIsiècle.

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Dans une apparente pique aux islamo-conservateurs au pouvoir, il avait aussi écrit que «tous les cons, la pègre, les bouffons et les voleurs sont aussi des Allahistes. Est-ce un paradoxe ?».

La peine avait été confirmée en appel la même année avant d’être annulée en octobre 2015, au nom du droit à la libre expression, par la Cour suprême d’appel qui a renvoyé le procès devant le tribunal d’Istanbul l’ayant condamné en première instance.

Ce tribunal a confirmé ce mercredi la décision de la Cour suprême d’appel en acquittant Fazil Say, rapporte l’agence progouvernementale Anadolu. Ce jugement est définitif.

«Le procès, c’est ça l’insulte»

Dans sa plaidoirie mercredi, l’avocate de Fazil Say, Meltem Akyol, a affirmé que son client n’avait «pas écrit d’article ni diffusé de film. Il a partagé ses opinions et retweeté des opinions critiques. Le fait que ce procès ait eu lieu, c’est ça l’insulte».

La condamnation de Fazil Say avait suscité de nombreuses critiques contre l’actuel régime turc, accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire et islamiste. D’autant plus que Say n’en était pas à sa première passe d’arme contre l’AKP, le parti du président turc, Recep Tayyip Erdogan. En 2007, le ministre de la Culture turc avait censuré son oratorio sur le poète Metin Altiok, tué lors du massacre de 33 intellectuels alévis par des islamistes radicaux à Sivas, en 1993. 

ParGuillaume Tion (avec AFP)

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