Baisse des tarifs : Canal + à la pêche aux abonnés

Published 13/10/2016 in Futurs

L’offre de base sera désormais à 20 euros mensuels.

Télé

Le groupe cassera le 15 novembre son modèle historique d’abonnement unique à prix élevé, avec une offre de base à bas-prix et trois bouquets thématiques au choix. De quoi rivaliser avec Netflix ?

Le 15 novembre, il sera possible de s’abonner à Canal + pour 19,90 euros par mois. Inutile de vous lancer tout de suite dans une danse de la joie irraisonnée. A ce prix-là, pas de miracle : vous n’aurez pas accès à l’ensemble du bouquet Canal (Canal + Cinéma, Canal + Sport, Canal + Family, Canal + Séries) mais seulement à la chaîne principale Canal + (ainsi qu’à «Canal à la demande», le «replay», et «Canal + Décalé», l’antenne de rediffusion). En outre, pour avoir le droit à ce tarif, il faudra s’engager pour vingt-quatre mois. A défaut, pour un engagement de douze mois seulement, il vous en coûtera 24,90 euros. La chaîne Canal + sera également disponible à 19,90 euros par mois sans engagement, mais uniquement en ligne (Web, tablette, mobile) – une manière de toucher les jeunes publics, de moins en moins utilisateurs de la télévision.

Pour Canal +, dont le modèle économique repose historiquement sur le principe d’une offre unique d’abonnement à prix élevé (40 euros par mois), c’est un gros virage stratégique. En présentant la nouvelle gamme tarifaire ce jeudi, le directeur général, Maxime Saada, a évoqué «un moment historique pour le groupe» : «On a brisé un certain nombre de tabous et d’idées reçues.» L’offre à 19,90 euros, «plus accessible», a été conçue comme un «produit d’appel» vers les autres offres. Et quel produit d’appel, à écouter Saada, qui dans l’emballement dit de la chaîne Canal + qu’elle est «la meilleure du monde, tout simplement». Tout simplement. «A ce prix, je ne comprendrais pas qu’on ne s’abonne pas», renchérit le patron du marketing et de la distribution, Frank Cadoret.

Retenir les vieux clients

«Avec cette offre de base plus accessible, on va toucher des segments de marché que l’on ne touchait pas ou insuffisamment jusque-là», justifie Saada. Le pari de la filiale de Vivendi, conglomérat dont l’actionnaire de référence est Vincent Bolloré, est de faire du volume. «On veut générer des abonnés. Ce qui compte est que de nouveaux clients goûtent à Canal», fait remarquer Cadoret, relevant que «55% des Français n’ont jamais eu [la chaîne]». La pénétration de la télévision payante n’étant que de 20% dans l’Hexagone contre 60% au Royaume-Uni, il existe un potentiel de développement substantiel. L’objectif de l’entreprise est de doubler son nombre d’abonnés, de 5,2 millions aujourd’hui à 10 millions l’an prochain. La marche paraît gigantesque mais il ne devrait pas être très difficile de la gravir : ce chiffre comprend les souscripteurs aux offres Canal + intégrées récemment à des forfaits d’Internet fixe chez Free et Orange, qui se comptent déjà en millions. En attendant, il s’agit surtout de retenir les vieux abonnés, qui s’enfuient à vitesse accélérée depuis que Bolloré a pris les rênes de la boîte. Ils étaient encore 6 millions début 2015…

Dans le sillage de cette nouvelle proposition commerciale, la gamme tarifaire de Canal + est chamboulée. A ce «socle» à 19,90 euros, il sera possible d’ajouter trois bouquets thématiques au choix. Le premier est dédié au sport : intégrant notamment Canal + Sport, BeIn Sports et Eurosport, il sera indépendamment facturé 30 euros par mois. Le second est dénommé «Ciné Séries» : à 20 euros mensuels, il comprend entre autre Canal + Cinéma, Canal + Séries, Ciné +, le bouquet OCS d’Orange et Canalplay, le service maison de vidéos illimitées à la demande. Le troisième pack, vendu 15 euros par mois, est le bouquet Canal classique (C + Cinéma, C + Sport, C + Family, etc.).

Pour être tout à fait complet, il faut noter que l’on pourra démarrer avec un «socle» plus cher, baptisé «Essentiel Famille», à 29,90 euros sur douze mois ou 34,90 euros sur vingt-quatre mois. Il comprendra 60 chaînes dont Canal +, Canal + Family, Planète +, Comédie +, Discovery, Syfy et plein d’autres. Les fous de téloche pourront également avoir tous les bouquets cités ci-dessus (et un deuxième décodeur) pour la somme rondelette de 99 euros par mois. Un prix ultra-élevé pour le marché français, mais courant aux Etats-Unis. Dernière précision pour les abonnés actuels de Canal + : le service client va les contacter pour les faire migrer vers ces nouvelles offres.

Pas de révolution

Que retenir de cette avalanche d’annonces ? Sur le seul plan des contenus, c’est du lourd. Les nouvelles offres de Canal + intègrent les deux gros bouquets alternatifs, BeIn Sports et OCS. Il n’y a évidemment pas Netflix dans le pack Ciné Séries mais il y a son très honorable rival Canalplay. «Nos abonnés ne nous challengent pas vraiment sur les prix mais plutôt sur les contenus. Ils veulent bien payer mais ils veulent tout avoir, notamment en matière de sport», explique Cadoret, fier d’avoir «refait toute la maison».

A y regarder de près, la révolution tarifaire annoncée à plusieurs reprises par Bolloré ces derniers mois n’aura pas lieu. Un abonné qui paie aujourd’hui 39,90 euros pour le bouquet Canal + de base déboursera demain le même prix s’il s’engage pour douze mois et économisera 5 euros s’il le fait pour vingt-quatre mois. La diminution est donc marginale. «On n’a pas le sentiment de devoir baisser les prix, répond Saada. La valeur que nous proposerons sera beaucoup plus attractive que celle de nos concurrents mondiaux.» Certes, Netflix ne propose pas de sport. Mais son offre d’abonnement démarre au prix ultracompétitif de 7,99 euros par mois… «L’an prochain, je lancerai des offres d’entrée de gamme à moins de 10 euros par mois», promet Cadoret, lorsqu’on lui en fait la remarque en marge de la présentation.

Est-ce une occasion manquée de relancer Canal + ? Non, selon Philippe Bailly, du cabinet de conseil NPA : «Le fait que Canal passe sous la barre symbolique des 20 euros, avec un vrai produit, est important. Comme l’est la possibilité de s’abonner sans engagement. Cela place la marque sur un terrain beaucoup plus accessible. Surtout, avec la construction de cette nouvelle gamme, ils pourront proposer aux nouveaux clients des offres plus chères. C’est assez malin.»

ParJérôme Lefilliâtre

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