Coupe Davis : les joueurs, ces casse-Noah ?

Published 08/11/2016 in Sports

Le 18 septembre 2016, lors de la défaite de la France face à la Croatie en demi-finale de la Coupe Davis.

Billet

Le capitaine de l’équipe de France de tennis a donné une interview à «l’Equipe» dans laquelle il montre à quel point ce sont les joueurs qui font le résultat, malgré la gagne du capitaine.

Passionnante interview de Yannick Noah, capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis de tennis, dans l’Equipe daté de mardi : l’emblème vivant de la win à la française a beau assurer qu’il est partant «à 90%» pour une deuxième campagne après une première saison plombée par un crash en demi-finale face à une Croatie ne comptant qu’un seul joueur de haut niveau valide, l’âcre parfum de désillusion qui se dégage de ses mots – «pour être honnête, je pensais avec Gaël Monfils que ça allait être le plus simple pour moi», lâché avec sincérité – ouvre la porte à un départ. Noah rame. Et avec des avirons géants, ceux des galères romaines – malgré un repas en commun avec les membres de l’équipe samedi, en marge du tournoi de Bercy, il confesse devoir rappeler tout le monde dans les prochains jours pour se faire préciser s’il a bien compris ce qu’il a compris.

On l’a dit ici et on le répète : les arguments qui ont emballé la nomination de Noah au capitanat des Bleus relèvent de l’escroquerie pure et simple. Aucun entraîneur n’a jamais eu le pouvoir de gagner un match : c’est le gars en short qui fait le match, celui qui tient la raquette et qui sert un jeu sur deux. Par ailleurs, que Noah ait découvert que Gaël Monfils était Gaël Monfils, une vie d’esquives et de stratégies variées pour dissimuler on ne sait quelle nature, revient à dire qu’il a découvert que le soleil se levait tous les matins. Cependant, il ne faudra pas sous-estimer l’ampleur de la leçon que lui auront donnée les joueurs si Noah jette l’éponge. Le dernier vainqueur français de Roland-Garros vient d’un monde (le début des années 80) où un champion représentait plus que lui-même et où il était capable de se nourrir du monde extérieur – le jour de sa finale à Roland-Garros, Noah a découvert la manchette de l’Equipe annonçant «50 millions de Noah» en une – pour passer le tout dernier palier, celui qui mène aux lignes de palmarès.

Depuis, la pression sur le joueur a augmenté à mesure de son audience et des sommes irriguant son sport, ce qui l’a amené à construire des barrières (exil dans des lotissements sécurisés, armée de communicants, mots pesés au gramme près) pour se protéger et s’isoler. L’extérieur est devenu une entité toxique, trouble, éventuellement tentatrice si elle l’éloigne des abrasives nécessités de son sport. Ce fut l’histoire du bus de Knysna, un groupe de millionnaires déréalisés ne comprenant plus rien de ce qui se passe en dehors de leur milieu. Et il est à craindre que cela soit désormais l’histoire du sport d’élite. Les intéressés peuvent du reste expliquer qu’ils sont encore les mieux placés pour savoir ce qui est bon pour eux : parmi les joueurs de l’équipe de France de Coupe Davis, Gilles Simon a un jour très justement dit qu’au-delà d’un certain niveau atteint par le joueur, la supériorité des connaissances de l’entraîneur sur celles de l’entraîné ne va pas de soi. On peut prendre acte. Et boucler la boucle : au fond, un joueur fait ce qu’il veut de sa carrière. Même la bazarder ? Jusqu’ici, Monfils ne fait rien d’autre. Et Noah là-dedans ? Il téléphone.

ParGrégory Schneider

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