Aulnay : «Comment nos enfants vont continuer à vivre avec ça ?»

Published 06/02/2017 in France

Aulnay : «Comment nos enfants vont continuer à vivre avec ça ?»
A Aulnay-sous-Bois, ce lundi.

Reportage

Près de 300 personnes ont manifesté leur soutien à Théo, le garçon de 22 ans victime d’un viol et de brutalités policières, dans le quartier de la Rose-des-Vents.

Il fallait bien que le cortège marque un arrêt sur l’esplanade du «Cap». C’est là, au cœur du quartier de la Rose-des-Vents à Aulnay-sous-Bois, que Théo, un homme de 22 ans, a été très gravement blessé par la police jeudi. Lors de son interpellation, un agent lui a enfoncé sa matraque dans l’anus avant de le menotter et de le placer en garde à vue. Opéré en urgence, il souffre d’une «plaie de 10 centimètres du canal anal et d’une section du muscle sphinctérien». Des sévices estimés pour l’heure à soixante jours d’interruption temporaire de travail (ITT). Pour ces faits, un policier a été mis en examen pour viol et trois autres pour violences volontaires. Alors pour crier leur rage environ 300 habitants se sont rassemblés lundi après-midi pour une marche «spontanée».

La manifestation est portée par un groupe de mères de famille venues «dénoncer les violences policières» et «soutenir Théo». Quand les caméras des chaînes d’info en continu se braquent sur l’une d’elle, c’est l’avalanche : «On est là pour que ça change», «On est pas là pour passer à la télé», «Ici on a des médecins, on a des ingénieurs», «On étouffe ici», «Comment nos enfants vont continuer à vivre avec ça ?» Une autre femme prend le relais : «On ne repartira pas. Nos enfants, sont nés ici. Ils sont français. Ils ont des droits.» Puis les habitants continuent sur la route qui traverse le quartier que l’on appelle aussi la «Cité des 3000».

Un groupe de mères du quartier

«Théo sera peut-être incontinent à vie», s’indigne Raïssa, 23 ans. Etudiante en communication, elle décrit des provocations policières très fréquentes : «Quand ils interviennent, les policiers savent que personne ne sera de notre côté, qu’on va tout de suite nous stigmatiser comme “des jeunes de banlieue”.» Raïssa assure que, malgré sa mauvaise réputation, c’est un quartier «paisible», une «grande famille». Concernant les violences subies par Théo – qu’elle ne connaît pas personnellement – elle réalise que ça aurait pu «arriver à son petit frère». Lui est juste à côté avec une banderole en main. Il n’était pas là jeudi mais, comme tout le monde ici, il a vu «la vidéo».

Après un aller-retour, la marche se fige devant une rangée de CRS à proximité d’un poste de police. Au bout d’une dizaine de minutes de face-à-face, Nordine, «là en tant qu’ancien», prend la parole : «Le plus important, c’est le message des mamans aujourd’hui. Maintenant il faut se disperser.» Une mère de famille insiste : «Allez, il faut se tailler les jeunes, il y aura une autre manifestation officielle bientôt.» Petit à petit, chacun trace sa route. Dans un local associatif situé à une centaine de mètres, Nordine débriefe la marche autour d’un café. Le commissariat s’est engagé à recevoir une délégation d’habitants dès le lendemain. Mais en aparté, il semble désespéré : «On n’a pas la force de leur assurer que les policiers seront punis et qu’il y aura une justice. Que ça ira…»

ParIsmaël Halissat

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