Après un Super Bowl fantastique, la gueule de bois menace le foot américain

Published 06/02/2017 in Sports

Après un Super Bowl fantastique, la gueule de bois menace le foot américain
La chanteuse Lady Gaga lors de la finale du Super Bowl à Houston, Texas, dimanche.

Récit

La National Football League doit faire face au scandale des joueurs atteints de maladies neurodégénératives.

Lundi matin, après le Super Bowl qui a attiré 1 million de personnes à Houston, après l’avalanche de confettis et la débauche de bannières étoilées – le show très spectaculaire et très politique de Lady Gaga à la mi-temps, la remontada historique des New England Patriots qui l’emportent 34-28 contre les Falcons d’Atlanta, la National Football League fête son jour de l’an : le premier de la saison 2017. Elle veut promouvoir son sport, faire fructifier sa marque et engranger encore plus de dollars. Mais les nuages s’accumulent au-dessus des terrains.

Interdire le football américain aux mineurs

Tout n’est pas noir bien sûr. La NFL, vaisseau amiral des sports américains, reste extrêmement «bankable». Elle a réalisé 13 milliards de dollars (plus de 12 milliards d’euros) de chiffre d’affaires, plus que n’importe quelle autre ligue sportive dans le monde, largement deux fois plus que la pourtant très lucrative Premier League anglaises et ses 5,3 milliards de dollars grâce à des droits télés pharaoniques. Même si la lutte contre les commotions cérébrales est devenue prioritaire, notamment avec le programme Heads Up Football, lancé cette année et destiné à promouvoir auprès des jeunes un «football plus sûr» en fournissant à leurs entraîneurs un mode d’emploi pour réduire les risques de blessures.

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Mais ce mirage de bonnes nouvelles ne peut dissimuler les fissures de la façade du football américain, attaqué de toutes parts. Ainsi, l’audimat de la saison 2016 de la Ligue nationale de football américain a plongé de 3,9% comparé à 2015. Mais, les Américains réalisent , ce sport si profondément enraciné dans leur psyché américaine – il suffit d’entrer dans n’importe quel «bar des sports» aux Etats-Unis pour le constater – est dangereux pour la santé. Car le foot américain doit plus que jamais faire face au scandale de joueurs atteints d’une maladie neurodégénérative, l’encéphalopathie traumatique chronique (ETC), dont les symptômes – perte de mémoire, agressivité, dépression, confusion – ont pourtant été dénoncés dès 2002 par le professeur Bennet Omalu. Ce dernier a même préconisé, dans le New York Times, en décembre 2015, d’interdire le football américain aux mineurs.

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Une telle mesure peut sembler raisonnable aux yeux des Européens, mais évidemment pas pour l’énorme majorité des Américains. Pourtant, il suffit de se reporter aux derniers travaux du docteur Ann McKee, une neurologue de l’université de Boston qui a suivi les travaux de Bennet Omalu, pour en comprendre l’urgence. Son étude, publiée en septembre 2015 et menée sur le cerveau de joueurs décédés, a révélé que plus de 96% d’entre eux, soit 97 sur 101 ex-pros, souffraient d’une affection cérébrale (de la maladie d’Alzheimer à celle de Charcot). Sur un échantillon plus large de joueurs qui ont évolué dans les championnats universitaires ou semi-professionnels, le taux d’occurrence de cette encéphalopathie traumatique chronique s’élève encore à 79% avec 131 joueurs atteints sur 179 testés. Cette année, une des plus grandes stars de la NFL, Luke Kuechly, linebacker des Carolina Panthers, a subi une sévère commotion cérébrale et s’est mis à pleurer lors de son évacuation du terrain. Il semblait effrayé.

Dépendance aux analgésiques

Et, le 31 janvier, dans le cadre d’un procès intentés par d’ex-joueurs de la NFL, des échanges de mails entre les dirigeants des Falcons d’Atlanta révèlent que les joueurs étaient incités à avoir recours massivement à des antidouleurs en 2010, entraînant une dépendance excessive aux analgésiques. Sans aucun recul sur leurs potentiels effets à moyen et long terme. Et ce, en dépit des inquiétudes de ses dirigeants qui avaient appris, un an plus tôt, que l’équipe avait dépensé 81 000 dollars de médicaments, près de trois fois plus que la moyenne de la ligue. De plus en plus de joueurs s’inquiètent d’ailleurs des risques sanitaires du football américain et, après avoir fait fortune, arrêtent leur carrière prématurément : rien que la saison précédente, trois joueurs stars ont ainsi raccroché avant même d’avoir atteint 30 ans.

En mars 2015, la NFL a finalement admis le lien entre son sport et la CTE. Comme si un cigarettier faisait aujourd’hui son coming out en reconnaissant que le tabac provoque le cancer du poumon. La NFL a peur. Et si la NFL est effrayée, c’est tout le foot américain qui tremble. La nuit dernière, un commentateur saluait les téléspectateurs du Super Bowl en disant «bienvenue pour les vacances officieuses de l’Amérique». Et à la mi-temps, Lady Gaga hurlait : «Le Super Bowl est fait de ce que sont les champions.» Les deux ont sans doute raison. Pour l’instant. Mais si le sujet des commotions cérébrales ne devient pas très vite une vieille histoire, on pourrait bientôt parler du foot américain au passé.

ParTolly Taylor

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