Six Nations : le XV du Chardon pas là pour faire des fleurs

Published 10/02/2017 in Sports

Six Nations : le XV du Chardon pas là pour faire des fleurs
Vern Cotter, coach de l’Ecosse, le 4 février à Murrayfield.

Rugby

Opposée dimanche à la France après un premier match victorieux face à l’Irlande, l’Ecosse arrive en confiance, et visiblement débarrassée de sa fébrilité quant à la nationalité de son entraîneur.

Les Français vont-ils avaler tout cru les Ecossais ce dimanche pour la deuxième rencontre du Tournoi des six nations ? Oui, parce que le terrain désigné est celui du Stade de France et que le XV du Chardon n’a jamais chatouillé celui des Bleus depuis dix-huit ans. Non, parce que l’Ecosse est montée sur ressorts, vainqueure face à l’Irlande (27-22) le week-end passé, sa première victoire en match d’ouverture depuis onze ans. Son petit secret : son sentiment patriotique, exacerbé dans un contexte où le Parlement envisage toujours la sortie politique du Royaume-Uni et le rattachement à l’Union européenne. Témoignage du capitaine du XV écossais, Greig Laidlaw, sur la BBC : «Le patriotisme est grand dans notre camp, on parle beaucoup de revêtir le maillot bleu et de jouer avec fierté.»

Lanterne rouge en 2015

En rugby, le nationalisme s’affole à intervalles réguliers. C’est-à-dire quand l’équipe perd. Matt Williams affirme en avoir souffert entre 2003 et 2005, lorsqu’il était sélectionneur. L’Australien, premier non-Ecossais de l’histoire à décrocher le poste, s’est plaint du climat détestable quand il a été viré. «Ça ne comptait pas que je sois bon ou pas, je n’étais pas écossais. Toutes ces histoires, c’est dur à accepter.» Une critique que semble confirmer le président de la Fédération : «[Williams] n’a jamais respecté l’Ecosse ni ses joueurs et il a passé la plupart de son temps à leur dire ce qu’ils ne pouvaient pas faire.»

Xénophobe, l’Ecosse ? Pas si vite, l’artiste. D’abord, ce serait oublier que la Rugby Union in Scotland a eu l’idée d’engager l’Australien après la Coupe du monde de 2003, alors que l’intéressé s’annonçait comme un coach universel : «Le rugby est plus grand que moi et que n’importe quelle nation.» Mais ce choix a tourné au fiasco. Matt Williams a coulé à pic, toutes sirènes hurlantes, avec un taux de victoires de 18 % sur l’ensemble des matchs disputés, contre près de 40 % pour son prédécesseur et celui qui l’a remplacé. Pire encore, il a écarté du groupe l’un des joueurs les plus populaires, l’ouvreur Gregor Townsend, dont on annonce qu’il deviendra entraîneur national du Chardon l’été prochain. Qu’il soit australien ou pas, Williams s’est autotorpillé, et le public de son pays d’adoption ne lui a pas pardonné.

Pas rancunière, la Fédération écossaise a donné sa chance en 2014 à un autre homme de l’hémisphère sud : Vern Cotter, le Néo-Zélandais qui restait sur des performances remarquées avec sa précédente équipe, l’ASM Clermont Auvergne. Le tacticien de 65 ans avait atteint les demi-finales du championnat de France pendant sept années d’affilée, remportant le titre en 2010. Pourtant, Cotter débute mal dans ses nouvelles fonctions : l’Ecosse a fini lanterne rouge des Six Nations en 2015.

Le coach est par ailleurs critiqué dans la presse pour son choix d’engager certains joueurs nés à l’étranger. C’est ainsi que l’on retrouve sous les couleurs écossaises Tim Visser (Pays-Bas), Henry Pyrgos, Ryan Wilson ou Tim Swinson (Angleterre), Josh Strauss (Afrique du Sud) ou encore Sean Maitland et John Hardie (Nouvelle-Zélande)… Ce dernier intensifie la controverse en affirmant avoir toujours rêvé d’être un All Black. L’ancien pilier écossais Peter Wright se fâche contre ce joueur qui change de nationalité comme de crampons : «Avec lui, le maillot écossais perd de son sens.» Mais les bons résultats reviennent, faisant cesser les polémiques autour du coach néo-zélandais et de ses choix. De fait, Cotter n’est pas un nouveau Williams. Ce serait presque un Eddie Jones, le leader miracle des Anglais – un étranger lui aussi, australien de passeport. Ses qualités transparaissent dès la fin 2015, lors de la Coupe du monde. L’Ecosse manque d’éliminer l’Australie en quart de finale – il s’en faut d’une pénalité, non valable d’ailleurs. En 2017, le XV du Chardon poursuit sa balade de santé.

«Un de leurs meilleurs rugbys»

Ainsi de cette action spectaculaire samedi en ouverture des Six Nations. A la 28e minute, sur une touche aux abords de la ligne d’en-but, Ross Ford lance le ballon au milieu d’un alignement irlandais pris par surprise. A la réception, c’est le trois-quarts centre Alex Dunbar qui aplatit le ballon, permettant ainsi à son équipe de se détacher au score (19-5). La victoire de l’Ecosse arrache des larmes aux supporteurs. Soudain, on ne parle plus d’un coach «étranger». Au contraire, Vern Cotter fait retentir l’hymne Flowers of Scotland dans le stade de Murrayfield, à Edimbourg.

L’équipe de France est prévenue pour la rencontre de ce week-end à Saint-Denis. Le sélectionneur Guy Novès le reconnaît, toujours aussi humblement : «Les Ecossais ont trois ans d’avance sur nous.» D’ailleurs, comme le souligne un autre commentateur avisé, ceux-ci jouent «l’un de leurs meilleurs rugbys depuis les années 90». Cet éloge a été prononcé il y a une semaine dans les colonnes de l’Irish Times. Par un certain Matt Williams, l’ex-coach viré. Parole d’expert.

A suivre à la télé : Samedi : Italie-Irlande (15 h 25, France 2) et pays de Galles-Angleterre (17 h 50, France 2). Dimanche : France-Ecosse (16 heures, France 2).

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