Chez LR, «maintenant, on fait quoi ? On se bouge ou on va dans le mur en klaxonnant?»

Published 13/02/2017 in elections-presidentielle-legislatives-2017

Chez LR, «maintenant, on fait quoi ? On se bouge ou on va dans le mur en klaxonnant?»
François Fillon au circuit de karting de Saint-Benoît, à la Réunion, lundi.

Récit

De retour d’un week-end agité sur l’île de la Réunion, François Fillon continue à mettre en cause la justice et espère rebondir. Et ce malgré les retours alarmistes observés par les élus de droite.

La tonitruante contre-attaque de son candidat est loin d’avoir apaisé les angoisses de la droite. Une semaine après la conférence de presse qui devait ressouder son camp face à une tentative d’ «assassinat politique» doublée d’un «lynchage médiatique», François Fillon reste fortement contesté par une partie de ses électeurs. Après un troisième week-end empoisonné par l’affaire des emplois supposés fictifs de son épouse, de nombreux députés sont rentrés «effarés» de leurs circonscriptions.

«Légitime». «On est foutu», «il faut débrancher Fillon» : tels sont les messages que les électeurs en colère ont fait passer à ce député LR des Hauts-de-France. Un autre confie avoir «entendu des horreurs» dimanche matin «en sortant de la messe» . Et ce n’était guère mieux, la veille, au congrès des agriculteurs de son département : «Certains nous demandent de changer de candidat, d’autres regrettent qu’il soit déjà trop tard.» Selon cet élu des Alpes-Maritimes, les électeurs se diviseraient en trois catégories : «La moitié crie à la machination et nous dit de tenir bon pour chasser les socialos, l’autre moitié se divise entre ceux qui se disent troublés et ceux qui jurent de ne jamais voter Fillon.»

Chez de nombreux députés, l’inquiétude de voir la droite passer à côté de cette présidentielle est redoublée par l’incertitude sur leur propre réélection. «Cela fait maintenant trois semaines qu’on se parle, trois semaines qu’on entend la même chose. Maintenant, on fait quoi ? On se bouge ou on va dans le mur en klaxonnant ?» confie un parlementaire qui avait prévu de participer, lundi soir, à un dîner organisé par une poignée de députés sarkozystes : Alain Gest, Sébastien Huygue, Claude Goasguen et Georges Fenech. Quelques jours après les révélations du Canard, ce dernier avait menacé de lancer une pétition de parlementaires appelant à écarter le candidat. Il s’était adouci après la conférence de presse du 6 février : «J’ai eu le sentiment que cette explication devait avoir lieu, elle a eu lieu et je m’en félicite !»

Manifestement, ces bonnes dispositions n’auront tenu qu’une semaine. Au QG de François Fillon, on voyait d’un très mauvais œil ce dîner des inquiets qui menaçait de connaître une certaine affluence. Depuis l’île de la Réunion, le candidat a lui-même fait part de sa désapprobation. Selon l’un de ses initiateurs, cette rencontre n’aurait rien d’un rendez-vous de putschistes : «Fillon est incontestablement légitime. Mais pour nous, il s’agit juste de lui faire comprendre qu’il doit réfléchir. Veut-il être celui qui enverra sa famille au suicide collectif ?» En d’autres termes, il s’agirait de pousser poliment le candidat à reconnaître que sa campagne serait devenue impossible. Lui, le patriote, ne saurait prendre le risque d’entrer dans l’histoire comme étant celui qui aura fait perdre à sa famille une élection considérée comme imperdable. Ces timides conspirateurs se gardent bien, toutefois, de nommer leur plan B, chaque jour qui passe le rendant plus improbable.

«Détermination». Dans le camp de François Fillon, on proteste que rien n’est perdu : «L’avion était en piqué, on a perdu beaucoup d’altitude… Mais on a encore de l’essence», explique un porte-parole qui se félicite de la forte mobilisation des militants ainsi que des sondages qui, selon lui, ne sont pas si mauvais : «17 % au plus fort de la tourmente, on a connu pire» . Patrick Stefanini, qui fut directeur des campagnes de 1995 et 2002 avant de diriger aujourd’hui celle de Fillon, rappelle à qui veut l’entendre que le candidat Chirac n’a pas dépassé les 19 % au premier tour de ses présidentielles victorieuses.

Tous les espoirs seraient donc permis. Stefanini mise sur la fragilité du phénomène Macron et sur le fait qu’en toute hypothèse, l’élection du 23 avril se jouera «dans les toutes dernières semaines» . A ce moment-là, les électeurs «choisiront ce qu’ils ont ressenti en moi : sincérité, courage et détermination», confie Fillon, qui a réaffirmé depuis la Réunion sa totale «détermination» . Une mise en examen ? Il balaie cette perspective, selon lui juridiquement intenable : «On serait dans une quasi-voie de fait», confiait-il lundi à quelques journalistes. Le candidat se dit visé «par une injustice profonde» et conteste la légitimité du parquet national financier à se saisir de son affaire. Après trois jours à près de 10 000 kilomètres de Paris, le vainqueur de la primaire de droite va retrouver ce mardi des parlementaires taraudés par le doute. L’un d’eux, pourtant filloniste, est rattrapé par un souvenir lointain : «N’est-ce pas en rentrant de la Réunion que Philippe Séguin avait décidé, en 1999, de se retirer de la campagne des Européennes ?»

ParAlain Auffray

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