Alfa Romeo : avec Giulia, c’est du sérieux

Published 26/06/2015 in Futurs

L’Alfa Romeo Giulia, présentée le 24 juin pour les 105 ans de la marque.

Récit

Quasiment au point mort, le constructeur italien a bénéficié d’un quatrième plan de relance en dix ans et sort une version détonnante de son modèle mythique.

Cinquante-cinq ans après ses premiers tours de roue, Giulia est de retour, avec ses plus beaux atours. Profilée, musclée, arrondie, vêtue à l’occasion de son baptême public d’un rouge éclatant évidemment, la dernière née des usines Alfa Romeo se veut synonyme de reconquête. Avec cette nouvelle berline présentée le 24 juin, date du 105e anniversaire de la création du mythique constructeur milanais, le patron du groupe FCA (Fiat-Chrysler), Sergio Marchionne, n’essaie pas seulement de relancer une marque prestigieuse mais quasiment moribonde. Il veut faire revivre son fameux slogan : «Cœur sportif, la vie est trop courte pour ne pas conduire une italienne.» Le géant automobile italo-américain vise carrément le marché des grosses cylindrées sportives, massivement dominé par les marques allemandes, comme BMW et Audi.

«Laisser Alfa Romeo rivaliser avec des marques généralistes aurait signifié en trahir l’esprit et ses valeurs», a claironné Marchionne en présentant sa Giulia à Arese (près de Milan), lieu de production de la célèbre devancière et musée de la marque. «Redonner de la voix à la véritable Alfa était un devoir moral. Elle est notre Turandot, a-t-il ajouté, filant la métaphore lyrique. Dispersez-vous, étoiles ! A l’aube, je vaincrai !» a d’ailleurs entonné le ténor Andrea Bocelli invité à chanter les louanges de la nouvelle Giulia, dans les historiques usines lombardes.

«Un morceau de l’orgueil national»

Mais l’aube ne s’est pas encore tout à fait levée pour la nouvelle sportive de la marque au biscione («le gros serpent»). Elle n’arrivera sur le marché qu’à la fin 2015-début 2016. Une chose est sûre, la nuova Giulia met un terme à une longue phase d’endormissement d’Alfa Romeo, confinant à l’agonie. «Au cours des trente dernières années, Alfa Romeo, qui a un potentiel de business unique, a diffusé un sentiment d’inachevé qui crie vengeance», a résumé Sergio Marchionne. Avec la résurrection de la Giulia, qui récupère le nom de la berline sportive des sixties, l’Italie se mettrait presque à rêver aux années du boom économique et du dynamisme industriel, soutenue en cela par les discours du président du Conseil, Matteo Renzi, grand ami du patron de Fiat-Chrysler. «Che Bella la Giulia !» a immédiatement tweeté le Toscan. «Giulia, la Renaissance italienne», titre de son côté Quattro Ruote, la principale revue automobile de la péninsule. Le quotidien turinois La Stampa, qui appartient à la famille Agnelli, rappelle que «l’Alfa Romeo n’est pas seulement une automobile. C’est un morceau de l’orgueil national, l’un des emblèmes du savoir-faire italien, une icône du style qui caractérise notre art de vivre et de produire».

Au même titre que Ferrari ou Maserati, Alfa Romeo est indissociable du made in Italy vrombissant des années 60 et 70. Utilisée par les carabiniers, comme par les bandits, la Giulia, qui bénéficie d’une technologie d’avant-garde, fait alors irruption sur les écrans italiens dans d’innombrables films policiers. «La voiture dessinée par le vent», selon la publicité, sera vendue à plus d’un million d’exemplaires en quinze ans. Elle perpétue l’image d’Alfa Romeo, mélange de design et d’agressivité, popularisée par la Giulietta, la Duetto ou la Villa d’Este. Et plus encore, dès les années 20, par les victoires d’Enzo Ferrari sur les circuits automobiles. Dans l’Italie de l’après-guerre et de la «douceur de vivre», la péninsule se divise entre partisans de l’Alfa et ceux de la Lancia, les premiers donnant la priorité à la puissance des chevaux, les seconds au confort et à l’élégance du véhicule.

A partir des années 80, commence le temps du déclin pour Alfa Romeo. Les voitures conservent un peu de leur style mais perdent progressivement leur moteur agressif et sportif. En bref, descendent de gamme. Au point d’être produites dans les mêmes usines que les Fiat, le groupe de Turin qui rachète en 1986 l’entreprise d’Arese. «Les Alfa Romeo ont fini par ressembler à de simples Peugeot ou Citroën», se désole un passionné. L’an passé, Alfa Romeo n’a vendu que 69 000 véhicules, soit quatre fois moins qu’il y a quinze ans.

défier Mercedes, BMW et Audi

Arrivé à la tête de Fiat en 2004, Sergio Marchionne a décidé de miser à nouveau sur Alfa Romeo et de mettre en œuvre le quatrième plan de relance de la marque en dix ans. Faute d’investissements suffisants et d’une nouvelle gamme de voitures, le précédent, déjà lancé par l’Italo-Canadien, a échoué.

Cette fois, alors que la marque Lancia (autre filiale de FCA) a été peu à peu abandonnée, le Biscione a été bichonné. Près de 5 milliards d’euros d’investissement ont été débloqués ! Et la nouvelle Giulia devrait être la tête de pont de la relance de la marque. Pour cela, 700 ingénieurs ont travaillé pendant deux ans dans le plus grand secret sous la férule de Harald Wester, déjà à l’origine de la résurrection de Maserati. Basés pour l’essentiel à Modène, ils ont collaboré avec les motoristes de Ferrari pour redonner à l’Alfa une empreinte sportive. Avec 510 chevaux, la version la plus sportive peut atteindre les 100 km/h en 3,9 secondes. Un monstre susceptible de rivaliser avec les plus puissantes BMW. Et tant pis pour l’écologiquement correct. Déclinée en plusieurs versions (de la berline compacte à la grande routière), la Giulia, produite dans les usines de Cassino, près de Naples, coûtera au bas mot 40 000 euros. Sans doute le double pour la Quadrifoglio, ultrasportive.

Selon les prévisions de FCA, Alfa Romeo devrait réussir à vendre 400 000 véhicules en 2018. Soit six fois plus que le nombre de voitures vendues en 2014. Un objectif jugé irréaliste par la plupart des analystes. «Nous vérifierons cela en 2018», a rétorqué, confiant, Sergio Marchionne, qui a déjà relancé Fiat et qui désigne la Giulia comme un «triomphe d’art et de passion». Un bel objet de design automobile, en tout cas. L’idée du patron de FCA est de couvrir à peu près tous les segments du marché : avec la Panda et la gamme des Fiat 500, les petites populaires. Les Jeep pour répondre aux demandes de SUV et de 4×4. Maserati pour les clients très haut de gamme. Quant au retour d’Alfa, il vient concrétiser la volonté d’occuper le marché des sportives pour défier Mercedes, BMW et Audi. «Les voitures des concurrents ? Ce sont sans aucun doute de bons produits mais froids et technocrates, je dirais presque ennuyeux», a osé Haral Wester. Alfa Romeo vise notamment le marché américain, où le transalpin était autrefois objet de désir. La presse italienne ne se prive pas de rappeler que le «lauréat» Dustin Hoffman circulait dans une Spider Duetto Alfa…

ParEric Jozsef, Correspondant à Rome

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