«Mother !», Aronofsky à pas de lourd

Published 12/09/2017 in Cinéma

«Mother !», Aronofsky à pas de lourd
Extrait de Mother !, où Jennifer Lawrence joue le personnage de… Mother.

Critique

Accumulant les références attendues et les symboles falots sans pour autant se départir d’un ton sentencieux, le film se révèle totalement creux.

Au générique, un point d’exclamation vient se planter comme un clou devant le mot «Mother». Ce détail résume bien le sentiment que donne continûment ce film aussi épais qu’arrogant où tout est si appuyé que chaque plan, chaque scène, chaque petite trouvaille semble s’accompagner d’un point d’exclamation venant de plus en plus fièrement se loger dans l’œil du spectateur. Après un début lourdingue mais amusant, on est de plus en plus pris en otage dans une surenchère grotesque qui s’achève en un interminable bouquet final de destructions en tous genres, d’hystérie collective, de tombereaux de symboles bien gras. Et le point d’exclamation devient une gifle, un coup de marteau.

«Vaffanculo». Il faut avoir ressenti cette façon dont le film nous fait violence pour comprendre la virulence de son accueil la semaine dernière à la Mostra de Venise : lors d’une projection de presse, il a été hué par la quasi-totalité de la salle du Palazzo del Cinema (1032 places) – on a même vu un critique italien se lever pour hurler un retentissant «vaffanculo» lorsque le nom d’Aronofsky est apparu au générique de fin. A l’excès répondit l’excès, ce ne fut pas un grand moment pour la pensée cinématographique.

Un couple vient de s’installer dans une grande maison à la campagne. Lui (Javier Bardem, très mauvais) est un écrivain célèbre en mal d’inspiration. Elle (Jennifer Lawrence) s’occupe de la maison et tombe enceinte. Puis s’invite chez eux un couple étrange (Ed Harris et Michelle Pfeiffer), de plus en plus envahissant. On est alors dans une sorte de mélange entre Rosemary’s Baby et Shining, à cette différence qu’ici l’angoisse est posée d’emblée, avec un tel manque de finesse que l’on se demande pendant un temps s’il ne s’agit pas d’une comédie.

Caprice. Dans la seconde partie, le principe d’accumulation et d’intrusion dans l’espace intime prend des proportions de plus en plus énormes : c’est le monde entier, toute l’histoire de l’humanité qui envahit la maison. On passe de la cabine d’Une nuit à l’opéra des Marx Brothers à un sketch des Monty Python, sauf qu’ici ça se veut très sérieux. C’est qu’il s’agit, voyez-vous, d’une grande réflexion allégorique sur la création artistique et la maternité, et tout ce qu’elles peuvent engendrer de fanatisme, de violence, de religiosité. Nous sommes surtout directement branchés dans le cerveau de Darren Aronofsky, surchargé de références et d’idées mal dégrossies, servies dans un gros pudding aux ingrédients réchauffés (on pourrait aussi citer, entre autres, Ken Russell ou Ingmar Bergman), dont la seule originalité est l’outrance avec laquelle il les accumule, les broie, les mixe dans une totale confusion esthétique et intellectuelle.

Certains défenseurs du film ont avancé un argument recevable : n’est-il pas réconfortant qu’un gros studio ait accepté de financer un projet aussi fou et personnel ? On peut inverser la proposition : n’est-ce pas au nom d’un culte aveugle de l’auteur qu’Aronofsky a pu se payer un tel caprice sans que personne ne l’aide à canaliser son imaginaire puéril ?

ParMarcos Uzal

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