De nouvelles ondes gravitationnelles témoignent d’une fusion d’étoiles à neutrons

Published 16/10/2017 in Sciences

De nouvelles ondes gravitationnelles témoignent d’une fusion d’étoiles à neutrons
Photographie composite (optique et rayons X) d’une étoile à neutrons au centre de la nébuleuse du Crabe. La collision de deux étoiles à neutrons émet des ondes gravitationnelles.

Astronomie

Alors qu’on avait déjà observé des vibrations de l’espace-temps causées par la fusion de trous noirs, les astrophysiciens des projets Ligo-Virgo ont enregistré, le 17 août, le passage d’une onde d’un nouveau genre.

La nouvelle ne pouvait pas mieux tomber. Deux semaines après l’annonce du prix Nobel de physique, qui récompense cette année la découverte des ondes gravitationnelles, on apprend que ces vibrations de l’espace-temps ont été observées dans un tout nouveau contexte : la fusion de deux étoiles à neutrons.

On se doutait bien que c’était possible, mais encore fallait-il les voir de nos propres yeux – enfin, les mesurer de nos propres instruments. L’existence des ondes gravitationnelles a été prédite par Albert Einstein en 1916. Dans le cadre de sa théorie de la relativité, il avance que l’onde de choc produite par les événements les plus violents de l’univers devrait se propager et déformer l’espace-temps comme la chute d’un caillou déforme la surface d’un plan d’eau, en vaguelettes concentriques.

Pile un siècle plus tard, les astrophysiciens parviennent à le prouver. On a annoncé en février 2016, pour la première fois, avoir enregistré une onde gravitationnelle lors de son passage à travers la Terre, sur le chemin qu’elle a parcouru depuis son émission, à environ 1,3 milliard d’années-lumière de là. Après analyse du signal et d’après la forme de l’onde, les physiciens ont estimé qu’elle a été causée par la fusion de deux trous noirs – des astres extrêmement compacts créés par l’effondrement du cœur d’une étoile après son explosion en supernova, au champ gravitationnel si intense qu’ils ne laissent même pas échapper la lumière.

Schéma simplifié du détecteur Ligo (schéma Abbott, B. P. et al., CC BY)

Pour enregistrer les ondes gravitationnelles, on utilise des interféromètres : des tunnels longs de 4 kilomètres disposés à angle droit, dans lesquels circule un faisceau laser réfléchi par des miroirs pour augmenter le temps de parcours, et donc les chances d’y déceler une microvariation. On enregistre dans un détecteur le retour du laser depuis chacun des deux bras. Si tout va bien, ils arrivent en même temps. Mais si on note un infime décalage entre les deux rayons, c’est que la distance qu’ils ont parcourue a changé : les bras ont été légèrement étendus ou compressés par le passage d’une onde gravitationnelle.

Deux interféromètres de ce type sont installés aux Etats-Unis : c’est le projet Ligo (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory). Il y a un autre instrument en Italie, près de Pise, pour le projet Virgo.

Le bras nord de l’interféromètre Ligo à Hanford, dans l’Etat de Washington aux Etats-Unis, en 2006. (Photo Umptanum)

Depuis, trois autres ondes gravitationnelles ont été captées, analysées et confirmées par les équipes Ligo-Virgo. Il s’agissait à chaque fois d’un trou noir binaire, c’est-à-dire un couple de trous noirs tournant l’un autour de l’autre, qui a fini par fusionner.

Mais les modèles prédisaient que la fusion de trous noirs n’était pas le seul événement capable de générer des ondes gravitationnelles, et la collaboration Ligo-Virgo vient de le prouver. Le 17 août 2017 à 14 heures et 41 minutes (heure de Paris), les deux détecteurs américains et l’européen ont enregistré un signal. Il était suivi de quasiment 2 secondes par un sursaut gamma (un flash de rayonnement énergétique) capté par un satellite de la Nasa. C’est un phénomène plus fréquent dans l’espace, mais quand il accompagne une détection de Ligo et Virgo, les indices commencent à concorder. L’analyse des deux types de signaux a en outre conduit à la localisation de l’événement source dans une même région de l’espace.

Mais cette fois, l’estimation de la masse des objets qui ont fusionné mène à la conclusion qu’il ne s’agit pas de trous noirs. On a plutôt affaire à des étoiles à neutrons, des vestiges d’étoile massive ayant explosé en supernova, elles aussi, mais qui ont laissé derrière elles un noyau très dense de neutrons qui tourne rapidement sur lui-même (jusqu’à plusieurs fois par seconde).

La nébuleuse du Crabe, restes de gaz éjectés par l’explosion d’une étoile en supernova. Il reste en son centre une étoile à neutrons. (Photo NASA, ESA, J. Hester & A. Loll)

«Outre la confirmation que les fusions d’étoiles à neutrons produisent des sursauts gamma courts», note le CNRS dans un communiqué, on a ici «la preuve que les éléments lourds de l’Univers sont formés lors du processus» de kilonova, soit la fusion de deux étoiles à neutrons. Des réactions nucléaires se produisent et il se forme des noyaux atomiques plus lourds que le fer, comme l’or ou le plomb. Et pour ne rien gâcher, cette observation, qui donne lieu ce lundi à des dizaines de publications scientifiques simultanées, permet de «mesurer d’une nouvelle manière la constante de Hubble, décrivant la vitesse d’expansion de l’Univers».

ParCamille Gévaudan

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