«Cette réforme renforce l’exclusion territoriale, je le mesure dans ma ville»

Published 04/06/2018 in France

«Cette réforme renforce l’exclusion territoriale, je le mesure dans ma ville»

Parcoursup, année zéro

Depuis le début de l’année, «Libération» donne la parole à ceux qui sont en première ligne dans l’application de cette réforme. Aujourd’hui, la maire d’Aubervilliers (93), inquiète pour «ses» jeunes.

Depuis l’annonce des premiers résultats le 22 mai, la nouvelle plateforme Parcoursup, qui répartit les élèves de terminale dans les filières de l’enseignement supérieur, suscite critiques et inquiétudes surtout. Un tiers des élèves n’ont toujours aucune proposition d’affectation et angoissent. Beaucoup reprochent au gouvernement une réforme d’ampleur menée trop vite.

Depuis le début de l’année, Libération donne la parole à tous ceux qui sont en première ligne dans l’application de cette réforme. Elèves, étudiants en réorientation, profs de lycée, enseignants-chercheurs… Dans cette chronique, chacun raconte, avec ses mots et son ressenti, les changements vécus de l’intérieur.

Dernier épisode : la lettre de Garance, 19 ans.

Aujourd’hui, Meriem Derkaoui, maire communiste d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis

«Dans ma ville, des lycéens commencent vraiment à paniquer. Ils se sentent seuls. Tous n’ont pas à la maison des parents qui parlent le français et en mesure de les aider. Je ne pouvais pas les laisser livrés à eux-mêmes. Je ne pouvais pas rester spectatrice de ce tri social. J’ai donc décidé d’ouvrir une permanence SOS Parcoursup à la mairie. Elle est ouverte chaque soir de 17 heures à 19 heures.

C’est aussi un moyen pour moi d’établir un recensement précis des situations. Je veux savoir: à qui donne-t-on une chance de réussir avec ce nouveau système? Combien se retrouvent de fait exclus?

Les difficultés étaient prévisibles depuis le départ. Avec cette réforme, ils ont ajouté des éléments bureaucratiques, qui sont autant d’obstacles supplémentaires pour accéder à l’université. Je pense par exemple à ces lettres de motivations, c’est une façon de multiplier par cinq ou par dix les difficultés pour nos jeunes… alors qu’il aurait fallu, au contraire, les alléger !

J’avais alerté la ministre. Fin avril, Frédérique Vidal était venue à Aubervilliers pour la pose de la première pierre du campus Condorcet (prévu pour accueillir 12 000 étudiants en sciences humaines et sociales, ndlr). Dans mon discours d’ouverture, je l’ai interpellée publiquement. J’ai exprimé mes craintes sur les conséquences graves de cette sélection instaurée à l’entrée de l’université. Je craignais un renforcement de l’exclusion territoriale.

Aujourd’hui, nous y sommes. Mesurons objectivement la réalité. Je vais constituer une petite délégation de lycéens et les amener dans le bureau de la ministre pour qu’ils se parlent face à face. Qu’ils lui racontent toutes les démarches qu’ils ont faites et leur faible espoir aujourd’hui de réussite.»

ParMarie Piquemal

Print article

Leave a Reply

Please complete required fields