Russie : Oleg Sentsov en «golodovka» pendant le Mondial

Published 02/07/2018 in Planète

Russie : Oleg Sentsov en «golodovka» pendant le Mondial
Oleg Sentsov, le 22 juin 2015.

Les mots secouent

Détenu en Russie, le réalisateur opposé à l’annexion de la Crimée n’a pas mangé depuis quasiment cinquante jours. Il demande la libération des 70 prisonniers politiques ukrainiens.

Le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov en est à son 49e jour. Le seuil létal se situe environ au quarantième. Il a déjà perdu 20 kilos, il a des problèmes de reins, de cœur et de dents. Pendant que les Russes dansent au rythme du Mondial et se félicitent d’avoir convaincu les étrangers qu’il n’y a pas que des ours et des agents du KGB dans leur pays, l’un des principaux prisonniers politiques est en train de mourir dans un camp de Sibérie. Sentsov y purge sa peine de vingt ans depuis 2015, quand il a été condamné pour terrorisme, accusé par les autorités russes d’avoir tenté d’organiser des attentats dans sa Crimée natale. Vrai : il a soutenu l’Euromaidan de Kiev dès le début, et il était contre la mainmise russe sur la péninsule ukrainienne. L’accusation a été bâtie sur les témoignages de «complices», obtenus sous la pression, y compris physique.

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Poutine imperturbable

Depuis que Sentsov croupit derrière les barreaux, acteurs et réalisateurs, écrivains et journalistes, russes et étrangers, demandent régulièrement sa libération. Mais Vladimir Poutine reste imperturbable. Impossible, par exemple, d’échanger Sentsov contre le journaliste russe Kirill Vychinski, accusé d’espionnage par Kiev. «Notre journaliste a été arrêté pour son activité professionnelle […] L’autre figurant, monsieur Sentsov, n’a pas été arrêté en Crimée pour son activité de journaliste, mais pour la préparation d’un attentat terroriste», a récemment expliqué le président russe.

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Du reste, ce n’est pas pour lui-même qu’Oleg Sentov a arrêté de manger, mais pour exiger la libération de tous les prisonniers ukrainiens enfermés dans les geôles russes. Soit environ 70 personnes. Les autorités ukrainiennes, en pourparlers avec Moscou, ont quant à elles établi une liste de 23 noms. Sentsov ne reconnaît pas sa culpabilité et refuse de demander une grâce au président russe, condition à laquelle celle-ci pourrait lui être accordée. C’est donc le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjorn Jagland, qui en a déposé une à sa place il y a une semaine.

Tergiversations

L’affaire n’est pas au point mort puisque la déléguée auprès du Kremlin pour les droits de l’homme, Tatiana Moskalkova, a rendu visite à Sentsov ce jeudi. Pour assurer, en ressortant, que son état était «satisfaisant». Mais visiblement pas assez puisque l’homologue ukrainienne de Moskalkova, Lioudmila Denisova, qui avait fait le voyage le même jour, n’a pas été autorisée, elle, à voir le prisonnier.

Les tergiversations de Moscou peuvent s’expliquer par un désir de faire monter les enchères. Mais le temps est compté. Si Oleg Sentov meurt pendant le Mondial, qui va durer encore quinze jours, c’est de cette «golodovka» (grève de la faim) que l’on se souviendra, plutôt que de Zabivaka, la mascote de la Coupe du monde.

ParVeronika Dorman, envoyée spéciale à Moscou

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