Pourquoi les avions vont-ils plus vite au retour d’Amérique ?

Un long-courrier met environ trois quarts d’heure de moins pour relier New York à Paris que dans l’autre sens. Il est aidé par les courants-jets, des couloirs de vents puissants créés par la rotation de la Terre et qui s’accélèrent avec le réchauffement climatique.
Des milliers de vacanciers se posent la question en regardant défiler l’océan Atlantique sous leur hublot : pourquoi le vol qui nous ramène en France est-il plus rapide que celui qui nous a transportés vers les Etats-Unis ou le Canada ? Chez Air France par exemple, un Paris-New York dure typiquement huit heures quinze, alors que le retour prend sept heures trente. Quelle que soit la météo, indépendamment des anticyclones et des dépressions traversées, qui n’influent que peu sur la durée du voyage, la différence tourne toujours autour de trois quarts d’heure.
Le trajet est pourtant quasi identique : les pilotes empruntent la ligne la plus directe entre l’aéroport de départ et leur destination. Mais ils sont aidés à l’aller et freinés au retour par des vents puissants qui soufflent en permanence à leur altitude de croisière : les courants-jets.
Autoroutes à courants d’air
Image Lyndon State College Meteorology
Il faut imaginer des couloirs dans l’atmosphère, des autoroutes à courants d’air qui font le tour de la planète. Il y a quatre principaux courants-jets, qui vont tous de l’ouest vers l’est. Les deux courants subtropicaux sont proches de l’équateur et très hauts dans l’atmosphère (entre 10 et 16 kilomètres au-dessus des mers). Les deux courants polaires sont proches des pôles nord et au sud et soufflent plus fort, entre 7 et 12 kilomètres d’altitude. Ce sont eux que rencontrent les avions long-courriers, qui traversent l’Atlantique à 12 000 mètres au-dessus de l’eau.
Dans le sens de rotation de la Terre
Pour comprendre leur cause, il faut se plonger dans les règles de circulation atmosphérique qui règnent sur notre planète. L’atmosphère est réchauffée par le Soleil de manière inégale. Il y a donc des masses d’air à températures différentes, qui ne peuvent rester stables. Elles forment des cellules de convection : l’air chaud monte, se refroidit, redescend. Trois grandes cellules ceinturent ainsi la Terre dans chaque hémisphère : la cellule de Hadley entre l’équateur et le 30e parallèle, la cellule de Ferrel entre 30 et 60 degrés de latitude, et la cellule polaire entre 60 degrés et les pôles.
La circulation atmosphérique globale sur Terre. Les courants-jets se forment entre les cellules de convection. Image Kaidor d’après Nasa, CC BY SA
La rotation de la Terre de l’ouest vers l’est (et donc la force de Coriolis) vient s’ajouter à cette circulation atmosphérique globale, créant des courants-jets entre les cellules de convection.
Vue en coupe : le courant-jet polaire circule dans un couloir coincé entre la cellule polaire et la cellule de Ferrel, à 60° de latitude. Le courant-jet subtropical s’insère entre la cellule de Ferrel et la cellule de Hadley, à 30° de latitude. (Image National Weather Service JetStream)
Au cœur des courants-jets, le vent souffle en moyenne à 90 kilomètres heure, et les rafales peuvent pousser jusqu’à plus de 350 kilomètres heure. Heureusement, ce couloir à très haute vitesse est mince : pas plus de 5 kilomètres d’épaisseur. Plus on s’éloigne du centre et plus la vitesse s’affaiblit.
L’aviation profite des courants… et les aggrave
L’aviation commerciale a rapidement vu dans les courants-jets un moyen de réduire les temps de vol, et embauché des équipes de météorologues pour optimiser les trajets. En novembre 1952, alors que l’hiver approche et que le courant-jet polaire s’installe légèrement plus au sud, la compagnie américaine Pan Am se sent prête à se jeter dans le toboggan aérien : elle envoie le pilote Logan D. Scott relier Tokyo à Hawaï d’une seule traite. A bord d’un Boeing 377, le pilote se cale au plus près du courant-jet et boucle le trajet en onze heures trente, au lieu des dix-huit heures auparavant nécessaires, et en zappant allègrement la traditionnelle escale sur l’île Wake pour remplir les réservoirs. Le record pour Tokyo-Honolulu est par la suite tombé à neuf heures et dix-huit minutes, raconte le site Panam.org, et aurait fait économiser 3 000 dollars à la compagnie.
Le site earth.nullschool.net permet de visualiser les courants-jets avec une mise à jour toutes les trois heures.
Soixante ans plus tard, le bilan n’est pas franchement positif d’un point de vue écologique. Une étude britannique a montré en 2016 que les courants-jets sont accélérés par le réchauffement climatique… et freinent d’autant plus les vols transatlantiques allant vers l’ouest. «Les vols vers l’est sont boostés, mais pas assez pour compenser l’allongement des vols vers l’ouest. Le résultat net est un allongement de la durée des vols», écrit le chercheur Paul Williams. La surconsommation de carburant entraîne le rejet de 70 millions de kilogrammes de CO2 supplémentaires par an.
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