Sculptures mécaniques et autres alambics du sorcier Tropa

Exposé à Saint-Nazaire, l’artiste portugais revisite la mythologie à coups de fontaines et de bouffées de vapeur.
Ballet mécanique de petites fontaines réglées comme des horloges, l’exposition de Francisco Tropa au Grand Café à Saint-Nazaire puise ses nombreuses sources dans un imaginaire mythologique. Danae, mère de Persée sur laquelle Zeus fit pleuvoir une eau fertilisante pour vaincre la sécheresse, est ainsi représentée par un jet d’eau à la tuyauterie en laiton abreuvant un plateau de cailloux, graine et noyaux de fruits en bronze. A l’étage, quatre Pénélope vert-de-gris et aux profils schématiques tournent sur elles-mêmes, faisant le pied de grue sans doute pour attendre Ulysse. A la place de qui, elles font face à une espèce de bouilloire artisanale (nommée Fumeux fume) qui tente de loin de les enfumer à coups de bouffées de vapeur d’eau. Si les sculptures ne rechignent pas à faire ainsi sourire avec leur mécanique turbulente, leur facture relève, elle, de la préciosité des travaux d’orfèvre et leurs formes complexes, de l’ingéniosité tortueuse d’un inquiétant savant.
Avec son attirail de robinetterie, d’engrenages bien huilés, de fioles et de flacons en verre soufflé, de clepsydres, d’alambics et d’un dispositif de camera obscura, l’artiste portugais semble plonger le spectateur dans les vieux rêves d’un sorcier fin de siècle, aux croisements de ceux que mit en scène un Villiers de L’Isle-Adam dans l’Eve future et de ceux, plus pessimistes, d’un Raymond Roussel dans Locus Solus. Les objets que Tropa laisse s’ébrouer au Grand Café sont à dire vrai marqués du sceau de la mort. Les fontaines ont beau faire couler leur eau à petit flot continu, certaines sculptures se serrent la ceinture. Une Morue en bronze peint sèche au bout d’un fil comme ses sœurs d’infortune portugaise. Dès l’entrée, c’est une espèce de carcasse canine faite du même matériau qui laisse pendouiller sa funeste silhouette et fait planer sur toute l’expo l’ombre d’un mauvais présage.
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