Décoder l’activité cérébrale, futur remède contre la dépression ?

Published 19/09/2018 in Sciences

Décoder l’activité cérébrale, futur remède contre la dépression ?
Scanner d’un cerveau à Stockholm, en avril 2016.

Selon une étude

Un décodeur permettant de détecter l’humeur d’un patient à partir de son activité cérébrale pourrait être la base de nouveaux traitements contre la dépression.

En France, une personne sur cinq souffre, a souffert ou souffrira d’un épisode dépressif dans sa vie selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Les traitements classiques tels que les thérapies et les antidépresseurs parviennent à soulager certains patients mais ne sont pas efficaces pour tous. Toujours d’après l’Inserm, chez 30% des dépressifs, ces traitements n’ont aucun effet. D’autres solutions doivent donc être trouvées.

Une équipe de chercheurs américains vient de découvrir un moyen de détecter l’humeur d’une personne en analysant son activité cérébrale. Publiés dans la revue Nature Biotechnology, leurs travaux pourraient permettre le développement de nouvelles thérapies contre la dépression.

Lien entre activité cérébrale et humeur actuelle

Chez certains patients souffrant d’épilepsie, le traitement pharmacologique n’est pas efficace et il est parfois nécessaire d’enlever la partie du cerveau où est localisé le foyer épileptique. Pour ce faire, des électrodes sont insérées dans le cerveau du patient. Elles vont permettre d’enregistrer l’activité cérébrale, de cibler la zone à supprimer et de s’assurer que le cerveau fonctionnera toujours correctement sans cette zone.

L’équipe de chercheurs a demandé à sept volontaires possédant ces électrodes de remplir un questionnaire dans lequel ils devaient caractériser leur humeur actuelle. Pendant ce temps, leur activité cérébrale était enregistrée. En réalisant cette opération de nombreuses fois chez tous les volontaires, les chercheurs ont pu associer à chaque humeur des signaux cérébraux particuliers. Ils ont ensuite réalisé un décodeur qui était capable de prédire, pour chaque patient, son humeur actuelle en analysant le signal émis par son cerveau. Ils l’ont ensuite testé et validé sur plusieurs jours.

«Ce résultat constitue un important pas en avant puisque, dans notre cerveau, la définition de notre humeur semble être associée à de multiples régions et nous ne savons pas comment l’activité de ces régions module notre humeur. Ici, nous avons pour la première fois un lien direct entre l’activité cérébrale et l’humeur actuelle», s’est félicitée l’une des auteurs de l’étude.

Impulsions électriques

Chez les personnes atteintes de dépression et pour lesquels les traitements classiques ne fonctionnent pas, une solution très étudiée actuellement serait d’utiliser la stimulation cérébrale profonde. «La stimulation cérébrale consiste à implanter des électrodes dans le cerveau du patient et à envoyer des impulsions électriques. L’activité cérébrale étant principalement électrique, les impulsions auront pour but de la modifier et de l’améliorer. Cette technique est déjà utilisée actuellement pour traiter la maladie de Parkinson chez certains patients», explique la neuropsychiatre aux hôpitaux universitaires de Genève, Julie Péron. Les impulsions électriques sont envoyées à l’aide d’un boîtier de commande situé dans la poitrine du patient que le médecin règle comme il le souhaite.

Pour être efficace, cette stimulation doit être réalisée au bon endroit et au bon moment. «Les zones connues impliquées dans la dépression sont principalement les structures limbiques comme le gyrus cingulaire antérieur ou les structures sous-corticales comme les noyaux gris centraux, les amygdales ou le cervelet», note Julie Péron. Le principal problème ne semble donc pas être le «où» mais plutôt le «quand».

Moments opportuns

Pour que les impulsions électriques soient les plus utiles possible, il faudrait les envoyer dans les moments où le cerveau est dans une humeur morose excessive. C’est ici que le décodeur de l’équipe intervient. Si le boîtier de commande à l’origine des impulsions est équipé de ce décodeur et est capable de reconnaître une humeur anormale, il pourra envoyer les impulsions aux moments opportuns. «C’est ce qu’on appelle une boucle fermée, le boîtier capte et analyse les signaux du cerveau, puis il envoie, par l’intermédiaire des électrodes, un signal électrique dans le but de réguler l’activité cérébrale», ajoute la neuropsychiatre.

S’il est ici question de décodeur d’humeur et de dépression, les auteurs expliquent que leur travail peut être transposé pour traiter d’autres troubles psychiatriques. Pour soigner l’addiction, par exemple, il pourrait être possible de décoder les signaux cérébraux caractéristiques d’une période de manque puis de stimuler la zone impliquée au bon moment pour soulager la crise.

ParDonovan Thiebaud

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