Ecartée par l’Elysée, «Mimi» sort du champ

Published 17/10/2018 in France

Ecartée par l’Elysée, «Mimi» sort du champ
Michèle Marchand, le 17 avril 2017 à l’AccorHotels Arena de Bercy, lors du dernier meeting de Macron avant le premier tour de la présidentielle.

Profil

La sortie, mercredi, du livre-enquête sur la reine des paparazzis a poussé les époux Macron à couper les liens avec Michèle Marchand, avec laquelle ils avaient noué une relation privilégiée.

Elle abhorre ce livre, le conchie comme un tissu de mensonges, une «pourriture», une «entreprise de démolition». Elle, c’est Michèle Marchand, dite «Mimi», 71 ans, taulière de la presse people avant de bifurquer vers la politique. Le livre, c’est Mimi, publié mercredi aux éditions Grasset, rédigé par deux journalistes chevronnés épaulés pour l’occasion par une romancière…

Une autre femme est en difficulté, pour avoir contribué à «peopliser» un peu plus la vie politique, avec la complicité plus ou moins tacite de son époux : c’est Brigitte Macron, sincèrement outrée des rumeurs sur l’homosexualité présumée d’Emmanuel Macron et la sincérité de leur couple, nonobstant la différence d’âge. Et qui, donc, s’en était remise à Mimi, non seulement pour contrer les rumeurs, mais aussi pour vanter leur amour dans la presse people.

Cet été, comme une protection préventive avant publication du bouquin, la macronie a fait mine de couper tout lien avec Mimi Marchand. Fin de ses rendez-vous hebdomadaires du jeudi matin avec la première dame. Dans la foulée, le statut de son agence photo, Bestimage, accréditée en permanence à l’Elysée, est également remis en cause. Cordon sanitaire dont Mimi dit être à l’initiative, pour ne pas nuire à Brigitte Macron.

Cliché arrangé

Pourtant, la papesse du people était, fin juin, à deux doigts de se faire contractualiser à l’Elysée, racontant alors à Libération (lire notre édition du 7 juillet) qu’elle envisageait de vendre son agence de presse, Bestimage, pour se consacrer à 100 % aux époux Macron. La polémique sur une photo diffusée, pour une fois, à son insu, où Mimi faisait le V de la victoire dans le bureau d’Emmanuel Macron en juin 2017, a fini par briser le projet.

Venons-en au fond. Emmanuel Macron, on le sait, aime à critiquer la «popol» à l’ancienne, tout en succombant avec délice dans une «peopol» pas très moderne. Le Président n’a pas inventé le système, Nicolas Sarkozy l’ayant largement précédé, avec sa première photo en compagnie de Carla Bruni, en décembre 2007, prise à Disneyland par un paparazzi qui n’en était pas vraiment un – cliché arrangé aux bons soins de Mimi Marchand. Puis viendra un shooting tout aussi amical de Rachida Dati après son accouchement (seule l’identité du père demeurant un mystère jalousement gardé).

Son successeur, François Hollande, ne l’aura guère suivi en cette voie, bien au contraire. Dans un singulier entretien avec les auteurs du livre, il narre sa propre expérience en tant que victime de paparazzades : Ségolène Royal en maillot de bain à l’aube de la présidentielle 2007 – lui-même, une fois élu, en casque et scooter, shooté avant de rejoindre sa compagne encore officieuse, Julie Gayet. Pour l’ex-président, «Michèle Marchand est responsable de la “peoplisation” de la vie politique».

Macron fera d’abord mine de s’en méfier, avant de succomber tête baissée dans la «Mimi-marchandisation» de sa propre image, avec de multiples unes dans Paris Match où l’obséquiosité du texte fait écho à l’arrangement des photos. Tout l’art de Mimi Marchand consiste à avoir accompagné la révolution de la presse à scandale : il est désormais moins question de harceler les stars par photographes interposés que de négocier un modus vivendi à la plus ou moins bonne franquette. «La vraie puissance, ce n’est pas de publier, c’est savoir et retenir – non pas dévoiler, mais dissimuler», résument les auteurs.

Dérive

La détestation de Macron envers les paparazzis est bien connue : «Pour moi, votre métier, ce n’est pas un métier. Ce que vous faites, c’est du harcèlement», avait-il déclaré à un photographe insistant en 2017. Régulièrement, des photoreporters, qui ne travaillent pas tous pour la presse people, se font arrêter, voire placer en garde à vue pour crime de lèse-image du monarque. Mais guère ceux de l’agence Bestimage de Mimi Marchand… Curieusement, le livre, très pointilleux sur son parcours judiciaire,ne consacre sur 204 pages que deux chapitres à la macronie, complice active de la dérive people. Mais relève toutefois ce verbatim savoureux, à propos des photos retouchées de Brigitte Macron. Offusquée, elle répond aux auteurs : «On ne valide pas les images.» Sous-entendu, on ne joue pas avec Photoshop. Mais le livre rapporte des propos tenus par Mimi dans le cadre d’une réunion avec les agences de presse accréditées à l’Elysée : «Moi, je fais valider, sinon on ne travaille pas.» Sous-entendu, on peut avoir recours à Photoshop. On laissera la conclusion provisoire à Emmanuel Macron : «Je ne fais pas les unes de la presse people, mais la presse people fait des unes sur moi.»

Reste l’affaire Benalla. Le bouquin laisse entendre que son entretien dans le Monde, contre-attaque médiatique dans laquelle l’homme à tout faire de la macronie donne sa part de vérité, aurait été une «opération commando pour l’Elysée». Impliquant Mimi et l’ex-journaliste Marc Francelet, un vieil ami. Ce que démentent outrageusement les deux concernés. «Mimi et Benalla prospèrent tous les deux à cheval entre les fonctions présidentielles, qui relèvent de règles et d’usages bien ancrés, et le domaine privé, qui échappe à la législation», résument les auteurs. Mimi ou pas, la macronie est désormais comptable de bien mieux tracer la frontière.

ParRenaud Lecadre

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