Regroupements écoles-collèges : les directeurs ont peur du dégraissage

Published 18/02/2019 in https:2019/02/18/

Regroupements écoles-collèges : les directeurs ont peur du dégraissage
Paris, le 24 janvier 2019. Manifestation des professeurs et des lycéens contre la réforme du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Jean-Michel Blanquer.

Education

Voté vendredi, un amendement du projet de loi Blanquer vise à simplifier la direction de plusieurs établissements voisins. Pris de court, les syndicats craignent une entourloupe.

Dans le projet de loi «pour une école de la confiance» du ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, un amendement déposé par une députée de la majorité et voté dans un hémicycle presque vide vendredi va permettre de regrouper dans une même structure juridique des écoles et collèges d’un même «bassin de vie». Cette disposition, qui n’a pas vraiment été débattue, inquiète.

D’où sort cet amendement ?

C’est la députée LREM du Val-d’Oise Cécile Rilhac qui a concocté cet amendement après en avoir discuté avec le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer. Cette principale de collège avait en effet été chargée à la fin du printemps 2018 de mener une «mission flash» sur les directeurs d’école. Piliers du fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires, les directeurs cumulent souvent leur métier d’enseignant et les tâches de direction, sans avoir le statut de chef d’établissement.

Son rapport rendu en plein milieu de l’été avait plutôt été bien accueilli par la profession et les syndicats – elle préconisait de créer un vrai statut de directeur. «Jean-Michel Blanquer m’avait alors informée qu’il ouvrait une concertation avec les partenaires sociaux sur ce sujet. Sans empiéter sur la concertation, il trouvait intéressant que je travaille sur le statut juridique des établissements. Ce que j’ai fait avec cet amendement.»

Que prévoit exactement le texte ?

Le «AC501» de son petit nom permet de créer des «établissements publics des savoirs fondamentaux», qui regrouperaient «les classes d’un collège et d’une ou plusieurs écoles situées dans le même bassin de vie». Est-ce que cela veut dire que demain toutes les écoles pourraient être toutes absorbées par les collèges ? Potentiellement oui. Cécile Rilhas explique : «Au départ, mon arrière-pensée, c’était de viser les écoles rurales, pour qu’il y ait un seul directeur pour plusieurs petites écoles. Ce qui leur permettrait aussi d’avoir une décharge [accordée qu’à partir d’un certain effectif, ndlr]. Mais à ma grande surprise, même en milieu urbain, des interlocuteurs se sont montrés très intéressés par l’idée, qui a été expérimentée en éducation prioritaire.» Cette nouvelle structure juridique, se réjouit-elle, sera donc ouverte «à tous ceux qui l’estiment utile».

Le secrétaire général de SE-Unsa (minoritaire), Stéphane Crochet, bondit de colère : «C’est fou ce décalage, entre ce qu’elle dit et ce qui est écrit dans le texte ! A aucun moment il n’est mentionné que l’accord de la communauté éducative est nécessaire.» Réponse de la députée : «J’ai allégé le texte au maximum pour ne pas créer des carcans et imposer une paperasse pas possible. Mais bien évidemment, ces établissements ne se créeront pas sans l’accord des acteurs locaux. Ce n’est pas le sens du texte.»

Pourquoi les inquiétudes sont si vives ?

La méthode d’abord, qui prend de court les syndicats, même s’ils sont en faveur de plus de ponts pédagogiques entre le primaire et le collège. «On a découvert l’amendement au moment du passage en commission il y a quinze jours, se désole Francette Popineau, du Snuipp, le premier syndicat du primaire). Le cabinet du ministre nous a reçus pour la forme, mais en réalité, le texte n’était plus entre nos mains…» Mais celles des députés. «C’est extrêmement compliqué de les mobiliser. Pour eux, cette loi apparaît surtout comme une somme de petites mesures venant réguler des petits sujets, peste Crochet. Elle n’est pas du tout débattue comme une loi d’orientation importante !» Alors que les conséquences le sont.

Sylvie Plane, professeure émérite de sciences du langage et chroniqueuse à Libé, est tombée de sa chaise quand elle a découvert le texte la semaine dernière. «C’est la mesure qui aura certainement le plus de conséquences concrètes !» A l’écouter, les directeurs d’écoles «se font entourlouper. Ils vont réduire leur nombre pour ensuite donner un statut à quelques-uns d’entre eux. Et encore, ils ne seront qu’un subalterne du principal du collège» ! Pour elle, «l’objectif derrière, c’est de faire des économies en changeant d’échelle». Francette Popineau en est aussi convaincue : «A quel moment il parle de projet éducatif avec cette mesure ? A aucun moment.»

ParMarie Piquemal

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