Antisémitisme : contre la haine, la quête de l’union

Published 18/02/2019 in https:2019/02/18/

Antisémitisme : contre la haine, la quête de l’union
Rassemblement contre l’antisémitisme, lundi soir, à Avignon.

décryptage

Après les croix gammées sur un portrait de Simone Veil et la dégradation du mémorial d’Ilan Halimi, les insultes visant Alain Finkielkraut, samedi, en marge du défilé des gilets jaunes confirment la résurgence de la haine antijuive. Des marches de solidarité et de tolérance sont organisées mardi dans toute la France.

Peuvent-ils faire du refus de l’antisémitisme «l’affaire de la nation tout entière» ? Alors que se multiplient les actes antijuifs, une quinzaine de partis appellent à se rassembler ce mardi à 19 heures, place de la République à Paris, pour dénoncer la «banalisation de la haine». Un consensus contrarié par les accusations de «complaisance» visant La France insoumise et par la proposition controversée de certains députés sur la pénalisation de l’antisionisme.

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Lancé le 14 février par le Parti socialiste, cet appel fait suite à une alarmante série de faits antisémites : abattage des arbres commémorant la mort d’Ilan Halimi, jeune juif enlevé et torturé par le «gang des barbares» en 2006, à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne) – découverte à Paris de croix gammées recouvrant des portraits de Simone Veil – annonce dans la foulée d’une hausse de 74 % des actes antisémites recensés en 2018… Intervenue après la publication de l’appel, la prise à partie de l’académicien Alain Finkielkraut, samedi à Paris, a nourri l’indignation politique. Reconnu au passage d’un défilé de gilets jaunes, il a été traité par plusieurs d’entre eux de «sioniste de merde» et violemment invité à «rentrer chez [lui] en Israël».

Pour Olivier Faure, premier secrétaire du PS, «les symboles, ça compte. On se donne trop souvent bonne conscience à coups de tweets. Il y a de jeunes générations qui n’ont pas encore eu l’occasion de se mobiliser sur la question de l’antisémitisme». Du PCF à LREM, en passant par LR et EE-LV, la quasi-totalité des grands partis se sont joints à l’événement, ainsi qu’une «délégation de musulmans français». D’abord absente des mouvements organisateurs, LFI a depuis rejoint la liste des participants. Contrairement au Rassemblement national, qui n’a pas été sollicité par le Parti socialiste.

«Marquer les esprits»

Principal contingent à l’Assemblée nationale, les députés LREM ont été priés d’être massivement présents. Le Premier ministre, Edouard Philippe, et plusieurs membres du gouvernement devraient aussi se joindre à la marche, tout comme l’ex-président François Hollande. Emmanuel Macron n’a en revanche «pas prévu» de prendre part au défilé, a fait savoir l’Elysée lundi, sans indiquer la raison de son absence, tout en précisant que le Président s’exprimerait mercredi soir devant le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), à l’occasion de son dîner annuel. «Il y reviendra sur l’actualité que nous connaissons», ajoute l’Elysée, rappelant que le chef de l’Etat a apporté par téléphone son soutien à Alain Finkielkraut. L’absence annoncée du chef de l’Etat a été déplorée par le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, comme par Olivier Faure, qui estime que la place du Président «est au milieu des Français qui disent ça suffit». Le premier secrétaire du PS prend pour référence la manifestation du 14 mai 1990 qui avait rassemblé, après la profanation du cimetière juif de Carpentras (Vaucluse), une vaste foule en présence de François Mitterrand. «Il faut marquer les esprits, insiste Faure. Si c’est un échec, ce sera la démonstration que le sujet ne mobilise plus. Ce serait grave.»

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D’autres grandes manifestations avaient suivi la mort d’Ilan Halimi et celle, le 28 mars 2018, de Mireille Knoll, une octogénaire juive assassinée à son domicile. Deux rassemblements marqués par des controverses sur la présence de certains responsables politiques. Alors président du Mouvement pour la France et accusé de racisme par une partie du défilé, Philippe de Villiers s’était vu écarter du carré de tête lors de l’hommage à Ilan Halimi en février 2006.

L’an dernier, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon avaient, eux, été pris à partie durant la marche blanche en mémoire de Mireille Knoll, accusés l’un et l’autre par le Crif de «véhiculer la haine». Attaqué par le camp présidentiel, le chef de file de LFI a de nouveau dû se défendre lundi de toute indulgence après avoir vu, dans l’affaire Finkielkraut, une «instrumentalisation de l’antisémitisme». Il doit participer ce mardi à un des rassemblements organisés à travers le pays. Lequel ? Lundi, son entourage gardait le secret pour raisons de sécurité.

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Renforcer la prévention

Le RN organisera quant à lui son propre hommage. Accusant ses adversaires de mollesse face à l’antisémitisme islamiste, le parti d’extrême droite s’est lui-même vu reprocher la présence, dans l’entourage de Marine Le Pen, de personnalités soupçonnées d’antisémitisme. Comme le directeur adjoint de sa campagne européenne, Philippe Vardon, désigné lundi comme «ancien adepte de chants et saluts néonazis» par le patron de LREM, Stanislas Guerini.

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Réclamées par le Crif, des «mesures concrètes» suivront-elles le rassemblement ? L’exécutif a présenté il y a moins d’un an un nouveau plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Il prévoit notamment de renforcer le contrôle des réseaux sociaux et la prévention en milieu scolaire. Lundi, le député LREM Sylvain Maillard a cependant proposé de «pénaliser l’antisionisme» au même titre que l’antisémitisme. Un projet accueilli avec réserve au gouvernement et dans la majorité, qualifié dans la foulée de simple «initiative personnelle» par la hiérarchie macroniste.

ParDominique Albertini

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