Ultima Thulé, un bonhomme de neige né avec le système solaire

Published 10/01/2019 in Uncategorized

Ultima Thulé, un bonhomme de neige né avec le système solaire
Ultima Thulé photographié par New Horizons à 28 000 kilomètres de distance, une heure et demie avant le survol au plus proche de l’astéroïde.

Astronomie

Les premières informations envoyées par la sonde spatiale New Horizons, après son survol de l’astéroïde le 1er janvier, révèlent un astre de couleur cuivrée, composé de deux lobes ayant fusionné il y a 4,5 milliards d’années.

Quelle meilleure date que le jour de l’an pour ouvrir un nouveau chapitre de l’exploration spatiale ? C’est le 1er janvier (pure coïncidence) à 6h33 que la sonde américaine New Horizons a frôlé l’astéroïde Ultima Thulé pour étudier sa forme et sa composition, tout loin là-bas dans le système solaire, derrière Neptune et Pluton, à 6,4 milliards de kilomètres de la Terre dans ce qu’on appelle la ceinture de Kuiper.

Il fallait faire vite et bien : New Horizons file dans l’espace à 14,43 kilomètres par seconde, une vitesse bien trop élevée pour pouvoir freiner et se mettre en orbite autour de l’astéroïde. Elle s’est donc contentée de faire ce qu’on appelle un «survol» – un passage rapproché près de l’astre à observer, en le mitraillant de photos et de mesures chimiques avant de le perdre de vue… Un peu comme si on observait une vache par la fenêtre d’un TGV, à ceci près que le scientifique à bord du train n’est pas un humain mais une machine à qui l’on doit envoyer des instructions depuis l’autre bout du système solaire, qui mettent six heures à lui parvenir.

Vue d’artiste de la sonde New Horizons approchant l’astéroïde Ultima Thulé. (Image Nasa. JPL. JHUAPL)

Mais la délicate mission s’est déroulée à la perfection, et New Horizons a indiqué peu après son survol qu’elle avait enregistré 50 gigaoctets de données sur Ultima Thulé. Depuis dix jours désormais, la sonde envoie ces informations vers la Terre et les scientifiques qui les reçoivent découvrent, avec une certaine excitation, à quoi ressemble l’objet céleste le plus lointain que l’on ait jamais exploré.

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Remonter le temps

Les gros cailloux qui peuplent la ceinture de Kuiper sont des reliques de la formation du système solaire. Tandis que les poussières les plus proches du Soleil se sont agglomérées en planètes et en lunes, celles-ci n’ont réussi à former que des petits corps, larges de quelques centaines de kilomètres au maximum. «New Horizons est comme une machine à remonter le temps qui nous ramène à la naissance du système solaire» il y a 4,5 milliards d’années, résume Jeff Moore, responsable de l’équipe Géologie et géophysique pour la mission. «Nous voyons une représentation physique du début de la formation planétaire, gelée dans le temps. Etudier Ultima Thulé nous aide à comprendre comment les planètes se forment – à la fois celles de notre propre système solaire et celles qui orbitent autour d’autres étoiles de notre galaxie.»

Première image couleur d’Ultima Thulé, prise à 137 000 kilomètres de distance le 1e janvier 2019 à 5h08 heure française. À gauche, la photo couleur de la caméra MVIC. Au milieu, la photo noir et blanc mais cinq fois mieux résolue de la caméra LORRI. À droite, la combinaison des deux. (Photo Nasa. JHUAPL. SRI)

Bonhomme de neige

Première révélation : Ultima Thulé a la forme d’un bonhomme de neige. La première photo à peu près nette envoyée par New Horizons a été présentée au public dès le 2 janvier lors d’une conférence organisée à l’université John-Hopkins, à Baltimore dans le Maryland (Etats-Unis), par le responsable de la mission Alan Stern. Cette géométrie amusante n’est pas surprenante : de nombreux astéroïdes et comètes sont ainsi composés de deux lobes qui semblent avoir fusionné. C’est le cas de la célébrissime comète de Halley, par exemple, mais aussi de Tchouri, comète étudiée par la sonde européenne Rosetta en 2014, avec un gros lobe et un petit qui lui donnent une allure de canard, sans compter l’astéroïde Cléopâtre en forme d’os, ou Itokawa, visité par une sonde japonaise en 2005.

Comment expliquer une telle forme ? C’est l’une des enquêtes qui occupent les astrophysiciens spécialistes d’astéroïdes. Il est communément admis que les astres bilobés (à deux lobes) doivent résulter d’une très lente collision entre deux objets grossièrement sphériques. Une étude publiée l’an dernier lance toutefois une nouvelle hypothèse : d’après les simulations numériques, il est également possible que les cacahuètes et bonshommes de neige de l’espace se soient agrégés rapidement à partir de poussières dégagées par une collision violente.

Simulation de formation d’un astéroïde-cacahuète après une violente collision

Dans le cas d’Ultima Thulé, l’équipe scientifique pense que les deux sphères (surnommées «Ultima» et «Thulé» pour faire simple) se sont jointes très tôt dans l’histoire du système solaire, à seulement 1% de l’échelle de temps courant de sa naissance à nos jours. Le plus gros lobe mesure 19,5 kilomètres de diamètre, et le plus petit 14,2 kilomètres au plus large. Ultime Thulé, dans son entièreté, est longue de 31 kilomètres. Sa période rotation est d’environ 15 heures, d’après les premières estimations.

Dans l’attente du trésor

Les quelques images floues de l’approche d’Ultima Thulé permettent par ailleurs à l’équipe d’Alan Stern d’affirmer qu’Ultima Thulé ne possède ni anneaux ni satellite plus large qu’un kilomètre et demi, a priori aucune atmosphère non plus, et arbore une couleur cuivrée typique des astres de la ceinture de Kuiper, comme Pluton. D’après la décomposition de la lumière de l’astéroïde, il y a sans doute beaucoup moins de glace d’eau en surface que sur les satellites de Pluton – comme Nix, qui en est recouverte – photographiés en 2015. Ces maigres informations ont été regroupées dans une première publication scientifique.

Ultima Thulé photographié par New Horizons à 28 000 kilomètres de distance, une heure et demie avant le survol au plus proche de l’astéroïde. (Photo Nasa. JHUAPL)

Pour en savoir plus, il faut patienter. Alors que News Horizons s’éloigne irrémédiablement vers les confins du système solaire, la transmission des données a été interrompue entre le 3 et le 10 janvier, car le Soleil se trouvait sur la route des ondes entre la sonde et la Terre. C’est ce jeudi que le téléchargement va reprendre, et il durera pas moins de vingt mois. On attend bien sûr de meilleures images, mais aussi les analyses des spectromètres installés sur New Horizons. La photo la plus détaillée que l’on ait en stock a été prise à 28 000 kilomètres de l’astéroïde. Or la sonde s’est approchée jusqu’à 3 500 kilomètres… Quand on voit les clichés des montagnes de Pluton qu’a pris New Horizons en s’approchant à 11 000 kilomètres seulement, ça promet. Alan Stern jure que son «équipe scientifique meurt d’impatience de commencer à fouiller ce trésor».

ParCamille Gévaudan

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