Algérie-Nigeria vu de Barbès : «Un match comme ça, ça se regarde avec du monde»

Published 15/07/2019 in https:2019/07/15/

Algérie-Nigeria vu de Barbès : «Un match comme ça, ça se regarde avec du monde»
Des habitants regardent le match sur un téléphone relié à une enceinte rue de la Charbonnière, avant le premier but.

Ambiance

Joie, tension puis libération… L’équipe de football d’Algérie s’est qualifiée ce dimanche pour la finale de la Coupe d’Afrique des nations provoquant des scènes de liesse à Paris.

Un peu comme un échauffement pour les supporteurs algériens, le match Tunisie-Sénégal a ouvert les demi-finales de la Coupe d’Afrique des nations 2019 dimanche, quelques heures avant Algérie-Nigeria. Des supporters algériens sont venus épauler les Tunisiens à Belleville. Yazid, 31 ans, suit le match debout sur la terrasse du Zorba, un bar kabyle emblématique. Il garde le sourire même après la défaite des Tunisiens (1-0), pas si grave puisqu’il mise tout sur les Fennecs qu’il s’apprête à soutenir depuis une terrasse du XIXe arrondissement. C’est son tour de chauffe. Un peu plus bas dans la rue de Belleville, Rachid, gérant du Délice d’Orient, a les yeux rivés sur le premier match et rêvait d’une finale Tunisie-Algérie, 100% Maghreb. «Il y aura du monde, prévoit-il. Ce sera festif, mais moins pour les affaires» : «Les gens sont tellement concentrés avec le match qu’ils ne vont pas penser à manger, seulement à boire un thé ou une boisson», rit-il.

Dans un kebab à l’angle de la rue Caplat et rue de la Charbonnière, avant le premier but. Photo Stéphane Lagoutte. Myop pour Libération

Les drapeaux tunisiens s’éclipsent et les drapeaux algériens se déploient vers 20 heures au fur et à mesure que le match approche. A Barbès, il a suffi de descendre du métro aérien pour voir des touches de vert et de blanc, les couleurs du drapeau algérien, un peu partout. Au croisement du boulevard de la Chapelle et de la rue Guy-Patin, sept camions de CRS sont stationnés, un groupe d’une dizaine de policiers et de gendarmes prend place à la sortie du métro. Des bandes de trois ou quatre personnes s’installent successivement sur les trottoirs, le smartphone à l’horizontale pour suivre le match. Plus loin, des dizaines et des dizaines de supporters se dirigent vers la rue de la Charbonnière, au cœur de la Goutte d’or, déjà bien remplie. Chacun y va de son spot : un restaurant de grillade, une épicerie, un bout de trottoir, un toit de voiture… Des jeunes, des copains, des familles et même quelques mamies composent cette foule.

Retransmission décalée

Au coup d’envoi du match, des spectateurs se plaignent de ne pas voir l’écran de télévision à l’intérieur d’un restaurant donnant sur la rue. La faute à un drapeau algérien accroché aux fenêtres. Fatima et Amar, 27 ans, aimeraient bien aller ailleurs pour mieux voir le match mais ne veulent pas renoncer à l’ambiance qui règne sur place. Pour être sûrs de ne rater aucune action, certains supporters brandissent leur portable et baladent leurs yeux sur les deux écrans qui retransmettent le match en décalé.

Quoi qu’il arrive, Fatima et Amar, jeune couple d’origine algérienne et marocaine, se disent prêts à «faire la fête de toute façon puisque c’est le 14 juillet». Dès le premier quart d’heure de jeu, ça saute déjà et des youyous s’échappent des fenêtres alentour.

En remontant la rue, vingt personnes sont regroupées en triangle derrière deux supporters assis sur des tabourets, l’un avec son téléphone à la main, l’autre une enceinte entre les jambes. Des enfants jouent et poussent de temps en temps des «one two three viva l’Algérie» en éclatant de rire. On croise quelques drapeaux tunisiens et même un drapeau marocain, là pour encourager la dernière équipe maghrébine en lice.

Devant un restaurant rue de la Charbonnière, au moment du premier but. Photo Stéphane Lagoutte. Myop pour Libération

«C’est la capitale des Algériens ici»

Najat, 53 ans, un peu en retrait de la foule avec ses deux filles de 14 et 11 ans est à deux pas de chez elle mais ne se résout pas à rentrer : «Un match comme ça, ça se regarde avec du monde» sourit-elle entre deux klaxons. L’ambiance, déjà à la fête, monte en puissance dès le premier but algérien marqué en première mi-temps. Pétards, fumigènes rouges et coups de tambours éclatent tout au long de la rue.

Yasmine, étudiante en management de 24 ans, est venue de Seine-et-Marne avec sa mère, son copain, sa sœur et son neveu de 4 ans, comme elle l’a fait pour les quarts de finale. «On se croirait presque au bled ici, c’est pour ça qu’on est là», lance-t-elle, émue. Même ressenti pour Farah, Marocaine de 26 ans, cheffe de caisse, les cheveux enroulés dans un drapeau algérien, qui se risque à taquiner ses copains algériens d’un : «C’est la capitale des Algériens ici.» Amine, 23 ans, qui enchaîne les petits boulots, abonde : «C’est pour la langue qu’on est là, les chants, les saveurs.» Mais les Nigérians, qui marquent en seconde période un penalty, gèlent la ferveur ambiante. Les visages se ferment, deux voitures aux couleurs du Sénégal passent à ce moment-là : mauvais timing.

A l’angle de la rue Caplat et rue de la Charbonnière, après l’égalisation par le Nigeria. Photo Stéphane Lagoutte. Myop pour Libération

«Il reste le Sénégal»

On est dans les arrêts de jeu, des Algériens troquent les déhanchés contre les cent pas. Du côté du groupe amassé derrière un portable, la confusion règne durant l’action menant au second but des Fennecs. Comme les retransmissions sont décalées entre les restaurants à 100 mètres l’un de l’autre et les téléphones, les visages inquiets et confus se lèvent vers le balcon d’un immeuble en face, visiblement en avance de plusieurs secondes pour guetter un signe de joie ou de déception chez un supporteur.

Juste avant le deuxième but de l’Algérie qui lui donnera la victoire. Photo Stéphane Lagoutte. Myop pour Libération

La tension se dégonfle après le coup franc libérateur de Mahrez au bout des arrêts de jeu, explosant immédiatement après le coup de sifflet final en feu d’artifice. La rue vibre presque sous les sauts des supporteurs euphoriques, les toits des voitures sont assaillis, les gens courent partout en chantant «one two three viva l’Algérie» et «Mazal Sinigal, mazal mazal» («il reste le Sénégal»). Quasi impossible de se faufiler dans la foule pendant une vingtaine de minutes. Le cortège composé d’un millier de personnes environ remonte jusqu’au boulevard Barbès où la circulation est bloquée et les klaxons d’automobilistes mécontents se confondent avec ceux des heureux vainqueurs de la soirée.

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 Au moment du deuxième but de l’Algérie. Photo Stéphane Lagoutte. Myop pour Libération

ParDounia Hadni, Photos Stéphane Lagoutte. Myop pour Libération

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