Détroit d’Ormuz : une guerre en actes et en images

Published 21/07/2019 in https:2019/07/21/

Détroit d’Ormuz : une guerre en actes et en images
Capture d’écran d’une vidéo publiée par les Gardiens de la révolution iraniens de l’arraisonnement du tanker britannique.

Récit

A l’instar de la capture du «Stena Impero», les incidents à répétition dans le détroit sont l’occasion pour chaque camp de justifier son action à l’aide de photos et de vidéos.

Le bruit des pales d’un hélicoptère, des voix qui crient sur deux petites embarcations rapides, un pétrolier qui continue d’avancer l’air de rien… Ainsi débute la vidéo de deux minutes diffusée samedi par les Gardiens de la révolution – la puissante armée ne répondant qu’au Guide suprême iranien -, qui montre la capture, survenue la veille, d’un cargo britannique, le Stena Impero. C’est désormais une habitude : pour tout incident ou accrochage dans le golfe Persique, en nombre croissant depuis le mois de mai, chaque partie dégaine ses images, à même de consolider sa version, mais pas seulement.

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«Etat fort». La vidéo de l’arraisonnement du Stena Impero se poursuit avec des images prises depuis l’hélicoptère. Des soldats encagoulés s’apprêtent à descendre en rappel sur le pont du tanker, ainsi que le montre la séquence suivante, filmée de nouveau depuis une embarcation des Gardiens, avec leurs vivats («Allah akbar») en fond sonore. «L’Iran veut rassurer [sa] population en montrant l’Etat fort et capable, commente la politologue de la Rand Corporation, Ariane Tabatabai. C’est un peu comme les images qui avaient été diffusées lors de la montée de Daech en Irak, en 2014, qui avaient servi d’outils de propagande en Iran, pour rassurer la population malgré l’instabilité de la région et signaler en même temps que sans les Gardiens de la révolution, l’Iran serait comme l’Irak ou la Syrie.»

A l’intérieur du pays, cette stratégie semble fonctionner, au moins en partie. Dimanche, deux journaux iraniens, pourtant diamétralement opposés sur l’échiquier politique, affichaient en une des captures d’écran de la vidéo. «La Petite Bretagne», titrait avec dédain le quotidien réformateur Etemaad quand Javan, proche des franges dures, louait «les hommes courageux du détroit d’Ormuz».

Affirmations. La capture du Stena Impero n’est pas la première documentée par les Gardiens. Vendredi, ils avaient déjà publié des vidéos censées prouver que les Etats-Unis n’avaient pas détruit un de leur drone. D’après Donald Trump, un engin iranien piloté à distance s’était approché à un «niveau menaçant» d’un porte-hélicoptères américain déployé dans le détroit d’Ormuz, déclenchant une riposte et la destruction du drone. Téhéran avait démenti avec véhémence, allant jusqu’à prétendre que les Etats-Unis avaient visé leur propre appareil. Par la suite, les Gardiens ont diffusé des images présentées comme issues du fameux drone au moment de sa destruction supposée. Des affirmations invérifiables, même avec des supports vidéo.

Le 20 juin, c’est l’Iran qui avait détruit un drone américain, toujours dans la même zone. Les Etats-Unis ne l’avaient pas nié mais ils affirmaient que l’appareil se trouvait au-dessus des eaux internationales, tandis que Téhéran assurait qu’il était entré dans son espace aérien. Là encore, les Gardiens avaient diffusé les images des missiles qui auraient atteint le Global Hawk.

Quelques jours auparavant, le Pentagone avait tenté de clore le débat sur les sabotages de deux navires en mer d’Oman, le 17 juin, en publiant des vidéos. Accusé par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Arabie Saoudite, l’Iran avait nié. Les images, filmées depuis le ciel, montraient des Gardiens de la révolution retirant quelque chose de la coque d’un des deux bateaux. Selon Washington, il s’agissait d’une mine, impossible à distinguer sur la vidéo.

ParPierre Alonso

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