En Corse et en Bretagne, l’huître plate domestiquée pour mieux la préserver

Published 29/07/2019 in https:2019/07/29/

En Corse et en Bretagne, l’huître plate domestiquée pour mieux la préserver
Une huître plate fixée sur son rocher, en Bretagne.

Le fil vert

Des chercheurs corses ont réussi à maîtriser le cycle de reproduction de ce mollusque natif des côtes européennes et menacé de disparition. L’objectif : mieux le protéger, relancer son exploitation et profiter de ses formidables fonctions écologiques.

Elle a disparu des mers, des étals et des esprits, mais son sort n’est peut-être pas totalement perdu. De son petit nom scientifique Ostrea edulis, l’huître plate, native des côtes européennes, a longtemps été la seule huître consommée en Europe. Au moins depuis l’Antiquité romaine. Mais la destruction des fonds côtiers par deux siècles de pêche à la drague, sa surexploitation depuis le XVIIIsiècle et des maladies parasitaires au cours du XXsiècle ont eu raison de ce mollusque indigène, remplacé à partir des années 70 dans les eaux marines comme dans les assiettes par l’huître creuse, importée d’Asie. Ce qui se traduit désormais par une production ostréicole française marginale autour de 2 000 tonnes par an contre 20 000 il y a encore cinquante ans«Aujourd’hui, l’espèce est à la limite de sa disparition, confirme Stéphane Pouvreau, biologiste marin à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). En Europe, elle a déjà disparu de certaines régions, comme en Allemagne où ils doivent la réintroduire. Elle synthétise donc tout ce que l’homme a pu faire à la nature.»

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50 000 huîtres arrivées à maturité

De quoi être fataliste ? Menés ces dernières années en Bretagne et en Corse, des projets de conservation de l’huître plate se sont donné pour objectif de sauver ce coquillage qui a autrefois fait la renommée de Cancale. Comment ? D’abord, grâce à sa domestication, ce à quoi sont parvenus en 2017 dans l’étang de Diana des chercheurs de l’université de Corse. Mais pour cela, encore fallait-il parvenir à maîtriser le cycle de reproduction de cette huître «sensible à la qualité de l’eau». «On s’est cassé les dents sur les premières expérimentations pour avoir des naissains [les larves d’huîtres, ndlr] car une fois fixées, il y a moins de risques sanitaires pour les juvéniles, se souvient Sonia Ternengo, maître de conférences en biologie et responsable du programme de recherche du laboratoire Stella Mare, également rattaché au CNRS. Mais depuis, on est monté en puissance et on a réussi à en produire trois millions cette année. L’idée, c’était ensuite de pouvoir les remettre dans leur milieu d’origine pour qu’elles grossissent.» A ce jour, 50 000 huîtres sont d’ailleurs arrivées à maturité dans l’étang de Diana où les trois ostréiculteurs associés à ce projet de recherche envisagent déjà des débouchés économiques.

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Mais cela peut-il suffire à préserver l’huître européenne ? Au-delà de l’intérêt patrimonial et gastronomique du mollusque, les scientifiques corses souhaitent mettre à profit ses fonctions écologiques, un argument supplémentaire pour sa préservation. «C’est une filtreuse qui pourrait jouer le rôle d’épuration des matières organiques des eaux. On a donc mis des huîtres dans le vieux port de Bastia et on s’est aperçu qu’avec 150 000 huîtres et presque autant d’oursins violets, on arrivait à améliorer la qualité de l’eau du port en une semaine», plaide Antoine Aiello, directeur du laboratoire Stella Mare et professeur à l’université de Corse. Tout bénef pour la municipalité de Haute-Corse qui cherche concrétiser son projet de baignade dans le port. En Bretagne, l’Ifremer plaide de son côté pour le «rétablissement» des populations, un projet scientifique entamé il y a deux ans dans la rade de Brest et en baie de Quiberon où sont situés les principaux gisements sauvages. «On essaye de comprendre les processus de l’espèce, quelle est sa dynamique de fixation, et les cycles de vie de ses parasites pour optimiser son redéploiement naturel», poursuit Stéphane Pouvreau. L’enjeu : permettre à cette «espèce ingénieure» de jouer son rôle écologique de refuge et de nurserie pour bon nombre d’animaux marins : petits ormeaux, sèches, pétoncles, crabes ou crevettes.

ParFlorian Bardou

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