Des Bretons choqués par l’arrestation d’un altermondialiste italien

Published 11/08/2019 in https:2019/08/11/

Des Bretons choqués par l’arrestation d’un altermondialiste italien
Les affrontements entre policiers et manifestants lors du sommet du G8 à Gênes le 20 juillet 2001.

à chaud

Condamné à treize ans de prison dans son pays pour des saccages lors du G8 de Gênes en 2001, Vincenzo Vecchi a été interpellé dans le Morbihan, où il vivait depuis huit ans. Un collectif s’oppose à son extradition.

Son arrestation a provoqué stupeur et indignation à Rochefort-en-Terre, petit village du Morbihan où Vincenzo Vecchi avait ses habitudes depuis près de huit ans. Installé dans une commune voisine et connu comme peintre en bâtiment, cet Italien discret d’une quarantaine d’années était très apprécié de nombreux habitants, notamment en raison de son implication comme bénévole dans un bar associatif local. Il a été interpellé jeudi par la brigade nationale de recherche des fugitifs (BNRF) sur le fondement de deux mandats d’arrêt européens délivrés par les procureurs de Milan et de Gênes, avant d’être incarcéré à la prison de Vezin-le-Coquet, près de Rennes.

Sa «cavale» aura duré plus de dix-huit ans. Reconnu coupable de «dévastation et saccage» lors du sommet du G8 à Gênes en juillet 2001 et recherché depuis, Vecchi est également mis en cause pour sa participation à une manifestation antifasciste non autorisée, à Milan en mars 2006, deux événements qui lui ont valu d’être condamné à treize ans de prison en Italie. Selon la Repubblica, les investigations se seraient intensifiées ces deux derniers mois, Vecchi ayant été localisé après avoir passé une semaine de vacances dans un petit village de Savoie avec sa femme et sa fille. C’était le dernier fugitif encore recherché dans le cadre de cette affaire, après l’arrestation de deux autres suspects, l’un à Barcelone en 2013 et l’autre en Suisse en 2017.

Sitôt son arrestation connue, un collectif de soutien s’est spontanément constitué dans son village breton d’adoption, rassemblant une grosse cinquantaine de personnes d’horizons divers. «Il y a une émotion très forte, car Vincenzo était parfaitement intégré à la vie locale, explique Jean-Pierre, un des porte-parole du collectif. Il n’était membre d’aucune organisation politique et avait choisi de fuir cette condamnation injuste et disproportionnée.» Pour ses soutiens, qui commencent à s’organiser et tentent d’exhumer l’ensemble des archives judiciaires disponibles sur l’affaire, Vecchi aurait été condamné «en vertu d’une loi votée en 1930 sous Mussolini permettant d’arrêter arbitrairement des activistes sur la seule foi de leur présence à un événement».

«Torture». L’affaire Vecchi revêt un caractère d’autant plus symbolique que le contre-sommet altermondialiste de Gênes est considéré par beaucoup comme un moment fondateur, tant par la mobilisation sociale qu’il a entraînée qu’en raison de sa répression violente par les forces de l’ordre, marquée par l’interpellation et l’incarcération de plusieurs dizaines de militants et de journalistes. Un bilan très lourd (600 blessés parmi les manifestants et un mort, tué par les policiers, Carlo Giuliani) qui poussera Amnesty International à dénoncer «la plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental» depuis l’après-guerre.

L’Italie sera finalement condamnée près de quinze ans plus tard par la Cour européenne des droits de l’homme pour n’avoir jamais poursuivi en justice, ni même identifié les auteurs de violences, alors même qu’un haut responsable policier avait publiquement admis des «actes de torture» contre les manifestants.

«Trophée». «L’arrestation de Vincenzo est éminemment politique, insiste Jean-Baptiste, autre membre du collectif de soutien. Nous refusons qu’il devienne un trophée de chasse pour le ministre de l’Intérieur italien, surtout dans le contexte actuel. Nous nous opposons à ce que l’Etat français le livre aux autorités italiennes, qui ne manqueront pas l’opportunité d’en faire un exemple. L’opinion publique et la classe politique françaises doivent prendre conscience de la gravité de la situation.»

Le parquet général de Rennes a confirmé auprès de l’AFP que Vincenzo Vecchi comparaîtrait mercredi matin devant la chambre de l’instruction. Un rassemblement de soutien est prévu ce jour-là devant la cour d’appel de la ville bretonne pour protester contre son extradition.

ParEmmanuel Fansten

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