Affaire Calvin : pourquoi l’AFLD a court-circuité les gendarmes

Published 11/08/2019 in Sports

Affaire Calvin : pourquoi l’AFLD a court-circuité les gendarmes
Clémence Calvin lors des championnats d’Europe 2018, à Berlin.

Récit

Des mails consultés par «Libération» révèlent les vives tensions entre l’Agence française de lutte contre le dopage et le service qui piste les trafiquants.

En avril, lors de l’affaire de la marathonienne Clémence Calvin, qui avait échappé à un contrôle à Marrakech, plusieurs médias, dont Libération, avaient évoqué un gros couac entre l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp, un service de la gendarmerie s’occupant notamment des affaires de dopage). En allant contrôler l’athlète au Maroc, où elle s’entraîne, une délégation de trois personnes emmenée par Damien Ressiot, le directeur des contrôles de l’AFLD lui-même, a court-circuité l’enquête des gendarmes qui visaient l’athlète depuis longtemps et ne souhaitaient pas l’interpeller si vite afin de démanteler un réseau de trafic de produits dopants.

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Dans des mails que Libération s’est procurés, Ressiot invite les conseillers interrégionaux antidopage (Cirad) à cesser toute collaboration avec l’Oclaesp, où lui-même a travaillé avant d’intégrer l’AFLD. Ces mails datent pourtant de l’époque où les Cirad ne dépendaient pas hiérarchiquement de l’AFLD – leur travail sur le terrain les conduisait régulièrement à collaborer avec l’Oclaesp. Ainsi, le 1er mars 2016, Damien Ressiot écrit aux Cirad : «Les relations avec l’Oclaesp ne sont pas au top, en tout cas entre moi et eux. X m’a reproché de ne pas les (avec Y) avoir invités durant l’ensemble des deux journées à Paris, et d’avoir fait intervenir la Proc sur l’article 40 plutôt que lui-même. Je les avais invités à dîner avec nous, déjeuner le mardi puis à intervenir. Mais ils ont annulé leur présence en raison de cette “indélicatesse”. Je ne sais qu’en penser [dans ce mail, X et Y sont des représentants de l’Oclaesp, ndlr]

Sept jours plus tard, autre mail de Ressiot aux Cirad : «Même si je ne comprends pas le diktat de DSB2 [le service du ministère en charge du dopage], l’arrogance de l’Oclaesp (qui n’est pas une gare de triage), le petit jeu assez étonnant de Jean-Pierre Verdy, [son prédécesseur à l’AFLD] qui distille des infos (sauf à moi) […]. La prochaine fois si j’estime que les douanes ou les Stups sont plus légitimes, je le suggérerai au Parquet.»

Deux ans plus tard, les relations ne se sont pas arrangées entre Ressiot et l’Oclaesp, comme en témoigne ce nouveau courrier du 31 janvier 2018, toujours adressé aux Cirad : «Je vous remercie de ne pas transmettre à l’Oclaesp de dossiers ou d’informations relatives à de futurs dossiers dès réception des RAA [un résultat de contrôle anormal, avant un contrôle positif avéré], qui plus est sans me prévenir.»

ParLuca Endrizzi

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