Macron-Trump : G7 et match

Published 26/08/2019 in https:2019/08/26/

Macron-Trump :  G7 et match
French President Emmanuel Macron gestures towards U.S. President Donald Trump after a news conference at the end of the G7 summit in Biarritz, France, August 26, 2019. REUTERS/Carlos Barria

Récit

Iran, commerce, taxe Gafa… Le chef de l’Etat français et l’imprévisible président américain ont monopolisé l’attention lors du sommet de Biarritz qui a pris fin lundi. Le premier cajolant le second pour éviter le fiasco de l’an dernier au Canada.

Comment mesurer le succès – ou l’échec – d’un G7 ? A l’ère Trump, Emmanuel Macron n’avait guère d’autre choix que de placer la barre relativement bas. Avec un objectif essentiel : éviter à tout prix le fiasco canadien de l’an dernier, qui avait vu le président américain quitter précipitamment le Québec puis, depuis Air Force One, retirer sa signature du communiqué laborieusement négocié et insulter le Premier ministre canadien. Cette fois, Trump est resté jusqu’au bout et n’a eu que des mots doux pour son hôte français, un «formidable leader». De ce point de vue, le sommet de Biarritz fait donc figure de succès diplomatique pour Macron, qui a consacré du temps et de l’énergie à cajoler l’imprévisible occupant de la Maison Blanche – et s’épargner ainsi ses foudres.

«Zoom sur les désaccords»

De ce sommet basque, on retiendra les images du «déjeuner surprise» auquel Macron avait convié Trump dès son arrivée samedi, avant le début officiel du sommet. Généreusement filmé et photographié, ce tête-à-tête de deux heures sur la terrasse déserte de l’Hôtel du Palais aura au moins eu le mérite de mettre l’Américain dans de bonnes dispositions : «Beaucoup de bonnes choses se passent dans nos deux pays», a tweeté celui qui, quelques heures plus tôt, menaçait encore de taxer le vin français en réponse à la «taxe Gafa» votée en juillet par l’Assemblée nationale.

Après avoir ouvert la séquence diplomatique par ce repas intimiste, le président français l’a refermée par une conférence de presse conjointe avec son homologue américain. Eclipsant encore un peu plus leurs cinq partenaires, réduits au rôle de spectateurs du couple Macron-Trump, sorte de G2 dans le G7. Face à la presse, les deux hommes ont affiché leur proximité et leur satisfaction. «Nous avons plusieurs points communs : nous n’aimons pas perdre notre temps et nous aimons les résultats», s’est vanté le président français, assurant même que le déjeuner avec l’impétueux alter ego américain avait été «riche et productif». Trump lui a fait écho, évoquant «la meilleure réunion que nous ayons jamais eue» et remerciant son «ami» Macron.

Averti par la débandade canadienne de 2018, celui-ci avait prévenu la presse : il n’y aurait pas, à Biarritz, de communiqué final, «sorte de zoom sur les désaccords» et frein aux discussions. A la place, un texte d’une page rédigé par Macron lui-même, genre de plus petit dénominateur commun autour de cinq sujets (commerce, Iran, Ukraine, Libye, Hongkong). L’hôte du G7 avait prévenu : il ne s’attendait à aucun «miracle» de ces trois jours de bouillonnement diplomatique. A défaut de miracle, Macron a tout de même réservé quelques surprises à ses hôtes et aux 2 000 journalistes accrédités. Il y eut par exemple l’atterrissage retentissant de l’Airbus du ministre des Affaires étrangères iranien, Javad Zarif, à l’aéroport de Biarritz. Soigneusement préparé, ce coup de théâtre diplomatique illustre le volontarisme scénarisé de la diplomatie macronienne, fondé sur la culture intensive des relations personnelles. Avec Trump, Macron l’avait inauguré lors d’une réception en grande pompe à Paris, le 14 juillet 2017. Mais au printemps suivant, malgré les accolades appuyées, la visite d’Etat à Washington s’était soldée par un fiasco : le 8 mai 2018, Trump confirmait que les Etats-Unis se retiraient du «désastreux» accord sur le nucléaire iranien.

Succès réel mais maigre

Dans son entourage, on assure que c’est à l’occasion de son long tête-à-tête de samedi midi avec le président américain que Macron a fait accepter le principe de la visite de Javad Zarif à Biarritz. Sans précaution, une telle initiative aurait provoqué un clash diplomatique difficilement rattrapable. Trump a confirmé qu’il en avait été informé lors du déjeuner.

Au-delà d’un G7 sans psychodrame – succès réel mais bien maigre -, qu’a obtenu Macron sur le fond ? Contre les feux et la déforestation en Amazonie : une aide financière symbolique et un futur plan d’action sous égide onusienne, aussitôt critiqué par le président brésilien. Sur la fiscalité mondiale : un accord pour en moderniser les règles en 2020. Sur l’Iran, le Président a estimé que ce G7 avait permis de créer «les conditions d’une rencontre et donc d’un accord» entre les présidents iranien et américain.

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Optimiste, déterminé à imposer son agenda – notamment sur le climat – et à jouer, encore et toujours, la carte du multilatéralisme et de la France comme «puissance médiatrice», Macron a donc fait du Macron. Trump, lui aussi, a fait du Trump, attaquant les médias sur Twitter, soufflant le froid puis le chaud sur sa guerre commerciale avec la Chine, privilégiant les rencontres bilatérales et faisant l’apologie de la souveraineté américaine. Lundi matin, il a ostensiblement boudé la réunion plénière du G7 sur le climat et la biodiversité. Interrogé quelques heures plus tard sur son climatoscepticisme, le président américain a répondu par un éloge enflammé des hydrocarbures : «Les Etats-Unis disposent, dans leur sol, d’une richesse considérable et je lui ai donné vie. Nous sommes aujourd’hui le premier producteur énergétique du monde. Je ne vais pas perdre cette richesse pour des rêves, pour des éoliennes qui ne fonctionnent pas bien.» Preuve supplémentaire que sur le climat et l’environnement, toute avancée devra se faire sans et malgré lui.

ParAlain Auffray

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