Russie : répression féroce dans une prison de Sibérie

Published 12/04/2020 in https:2020/04/12/

Russie : répression féroce dans une prison de Sibérie
Au premier plan, les gardes de la prison, au second plan, les prisonniers de la colonie pénitentiaire d’Angarsk, lors des affrontements qui ont eu lieu le 10 avril. Photo fournie par le compte instagram @incident.38.

Récit

Dans les colonies pénitentiaires du nord de la Russie, les exactions des gardiens sont fréquentes. Une émeute a été sévèrement réprimée par les forces spéciales dans la nuit de vendredi à samedi à Angarsk.

 Rare vidéo

«Les cas de violences de la part des gardiens sont très fréquents dans les prisons russes, témoigne Alexeï Fediarov, de l’association de soutien aux détenus «Rus Sidiachtchaïa». «C’est comme une punition supplémentaire. Une forme de tradition. Formellement, les détenus peuvent se plaindre, dénoncer les mauvais traitements au parquet, mais les procureurs sont les meilleurs alliés des directeurs des colonies. Les plaintes ne donnent jamais de résultat.» Les révoltes sont pourtant très rares, ajoute Alexeï Fediarov, car «elles sont réprimées très violemment et en général “en interne”, sans que personne n’en entende parler».

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C’est pourtant ce qui s’est produit dans la colonie numéro 15. Quand les gardiens apprennent l’existence de la vidéo, ils passent une seconde fois à tabac le détenu qui s’y plaignait. En geste de soutien, 17 autres détenus s’ouvrent à leur tour les veines avec des éclats de verres obtenus en fracassant des caméras de vidéosurveillance. Le 10 avril, le conflit s’aggrave et tourne à la révolte. Les détenus se barricadent dans la zone industrielle et mettent le feu à plusieurs baraquements. L’incendie se répand à toute allure. Alertés par téléphone par certains détenus, les familles et les militants de défense des droits de l’homme se rendent sur place. On ne les laisse pas approcher. La colonie, déclarent les policiers sur place, «est en quarantaine».

Au moins un cadavre

«A cause du confinement, déplore Sviatoslav Khromenkov, de l’association «Sibérie sans tortures», qui tente de coordonner les efforts des familles des détenus pour en savoir plus, toutes les rencontres sont interdites, les familles n’ont aucune visibilité, et personne de l’administration ne répond au téléphone». Le soir, environ 300 soldats des forces spéciales lancent l’assaut. Sur une vidéo envoyée depuis un téléphone portable, les détenus révoltés appellent à l’aide. La police «frappe tout le monde». «Ils utilisent des grenades, on ne peut rien faire». «Ils vont nous tuer.» «Le spetsnaz va entrer», s’écrie une voix en arrière-plan. «Aidez-nous, on vous en supplie», lance l’auteur de la vidéo avant que celle-ci ne soit brusquement coupée.

Dans la nuit du 10 au 11 avril, l’administration pénitentiaire annonce avoir «réprimé la révolte», et ouvert une instruction pour «perturbation du bon fonctionnement d’une colonie pénale», un crime puni de trois à douze ans d’emprisonnement supplémentaires. Dans les faits, il semblerait que peu de morts soient à déplorer, mais plusieurs témoins rapportent des actes de violence gratuite de la part de la police pendant les arrestations, des blessés entravés et frappés au sol et des baraquements incendiés alors que des détenus se trouvaient encore à l’intérieur. Au moins un cadavre a été repéré le 11 avril. L’administration pénitentiaire affirme qu’il s’agit d’un suicide.

ParLucien Jacques, Correspondant à Moscou

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